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127 – URANIA DE LA CROPTE (1655-1717)

127 - URANIA DE LA CROPTE (1655-1717)

Fille d’un écuyer du prince de Condé, réputée pour sa beauté et son sens de l’intrigue (Saint Simon l’a décrite « aussi radieuse qu’une glorieuse mère ».

En 1680, elle épouse (secrêtement) Louis-Thomas (1657-1702) 2° comte de Carignan-Soissons, fils d’Eugène Maurice et d’Olympe Mancini. Thomas était le frère aîné d’Eugène le futur généralissime qu’il éleva d’ailleurs avec ses autres frères et sœurs puisque tous s’étaient retrouvés quasi orphelins du fait de la mort de leur père et du départ de leur mère s’exilant pour échapper au scandale de l’affaire des poisons.

Marie de Bourbon, l’ambitieuse grand-mère du jeune prince ne pardonna pas un tel événement qui compromettait ses ambitions d’entente éventuelle avec des princesses françaises ou savoyardes, « quel malheureux mariage a fait le comte de Soissons en épousant une bâtarde avec une telle disproportion de rang, devant la critique universelle et contre le respect dû à Madame Royale à laquelle il avait promis le contraire par écrit, m’a causé une épouvantable surprise et de cruelles souffrances… » écrivait-elle alors

Tout commença au mieux à la cour de Versailles jusqu’à ce que le roi-soleil remarque la jeune et belle princesse qui, en refusant les avances royales s’attira les foudres du souverain. Il s'ensuivit la défaveur de Louis-Thomas qui rejoignit Eugène au service autrichien dont il tira gloire avec de belles victoires en Allemagne mais aussi bientôt la ruine financière et une mort en plein combat durant la guerre d’Espagne….

Saint-Simon qui n ‘appréciait pas les « traîtres », a donné son point vue sur Louis-Thomas , sur sa contestable personnalité et sur sa carrière "Le comte de Soissons, sans père et ayant sa mère en situation de n'oser jamais revenir en France, y fut élevé par la princesse de Carignan, sa grand'mère, avec le prince Eugène et d'autres frères qu'il perdit, et ses sœurs dont j'ai parlé lors du mariage de Mme la duchesse de Bourgogne. C'était un homme de peu de génie, fort adonné à ses plaisirs, panier percé qui empruntait volontiers et ne rendait guère. Sa naissance le mettait en bonne compagnie, son goût en mauvaise. À vingt-cinq ans, amoureux fou de la fille bâtarde de La Cropte-Beauvais, écuyer de M. le Prince le héros, il l'épousa au désespoir de la princesse de Carignan, sa grand'mère, et de toute sa parenté. Elle était belle comme le plus beau jour, et vertueuse, brune, avec ces grands traits qu'on peint aux sultanes et à ces beautés romaines, grande, l'air noble, doux, engageant, avec peu ou point d'esprit. Elle surprit à la cour par l'éclat de ses charmes qui firent en quelque manière pardonner presque au comte de Soissons; l'un et l'autre doux et fort polis. Elle était si bien bâtarde, que M. le Prince, sachant son père à l'extrémité, à qui on allait porter les sacrements, monta à sa chambre dans l'hôtel de Condé pour le presser d'en épouser la mère; il eut beau dire et avec autorité et avec prières, et lui représenter l'état où, faute de ce mariage, il laissait une aussi belle créature que la fille qu'il en avait eue, Beauvais fut inexorable, maintint qu'il n avait jamais promis mariage à cette créature, qu'il ne l'avait point trompée, et qu'il ne l'épouserait point; il mourut ainsi. Je ne sais où, dans la suite, elle fut élevée ni où le comte de Soissons la vit. La passion de l'un et la vertu inébranlable de l'autre fit cet étrange mariage. On a vu en son temps comment le comte de Soissons était sorti de France, et comment il avait été rebuté partout où il avait offert ses services. Ne sachant plus où donner de la tête, il eut recours à son cadet le prince Eugène et à son cousin le prince Louis de Bade, qui le firent entrer au service de l'empereur, où il fut tué presque aussitôt après. Sa femme, qui fut inconsolable et qui était encore belle à surprendre, se retira en Savoie dans un couvent éloigné de Turin (???????????) où M. de Savoie enfin voulut bien la souffrir. Leurs enfants, dont le prince Eugène voulait faire les siens, sont tous morts à la fleur de leur âge, en sorte que le prince Eugène, qui avait deux abbayes et n'a point été marié, a fini cette branche".

L’Allemagne du sud donna la gloire à Louis-Thomas et lui permit bien des relations d’où les mariages allemands de ses deux enfants. Victoire (128, 1683-1763) épouse (séparée) de Frédéric de Saxe- Hidburghausen et Emmanuel 3° comte de Soissons (1687-1729) marié sans postérité définitive avec une princesse de Liechtenstein. Ainsi avec eux, seuls survivants des quatre enfants du prince Thomas mais sans descendance, la famille de Carignan-Soissons s’est éteinte au milieu du XVIII° siècle.