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111 – MARIE-ANNE D’ORLEANS-LONGUEVILLE-SOISSONS (1625-1707)

111 - MARIE-ANNE D’ORLEANS- LONGUEVILLE- SOISSONS (1625-1707)

(dernière) duchesse de Savoie-Nemours

"la dernière détentrice du Genevois et de Neuchâtel"

Marie_d'Orléans,_Duchess_of_Nemours_by_Hyacinthe_Rigaud_(Lausanne)
La duchesse de Nemours par Hyacinthe Rigaud en 1705. La couronne témoigne de son rang de princesse du sang. Version du musée des Beaux-arts de Lausanne.

Elle était la fille de Henri II d’Orléans (1593-1663), duc de Longueville et prince de Neuchâtel (descendant de Dunois le compagnon de Jeanne d’Arc, bâtard de Charles V et d’Agnès de Savoie (78) qui avait épousé le fils de ce dernier) et de Louise de Bourbon-Soissons morte en 1637.

Son père s’est remarié en 1642 avec Anne- Geneviève de Bourbon-Condé, sœur du Grand Condé (le célèbre vainqueur de la bataille de Rocroi) et du prince de Conti), Marie-Anne s’entend bien avec sa belle-mère qui est presque du même âge qu’elle. Devenue en 1648 la maîtresse de Charles-Amédée de Savoie-Nemours, Anne-Geneviève favorise ainsi les relations entre les frères Nemours et la jeune Marie-Anne.

Forte de ce lien, Marie-Anne épouse en effet en 1657 Henri II de Savoie-Nemours (1625-1689) frère, héritier et successeur de Charles-Amédée. Henri, tout juste réduit à l’état laïque après avoir été archevêque de Reims, était devenu après le mort de son frère, le dernier duc de Nemours de sorte que, à sa mort (sans héritier), le duché repassa à la couronne et de là ensuite aux Orléans.

Marie-Anne était donc la belle-fille de Jacques de Nemours et d’Anne d’Este (107) et la tante de la future duchesse Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours (105) ainsi que de la future reine Marie-Françoise de Nemours, reine du Portugal (112).

Nièce de Marie de Bourbon-Condé, Marie-Anne se trouvait donc être la demi-sœur de Marie de Bourbon-Soissons (121) et ainsi la belle-sœur de Thomas de Savoie-Carignan, finalement d’une filière à l’autre les Savoie ne cessaient de se relier aux principales familles de France.

Veuve, Marie-Anne entendit reprendre son autorité sur Neuchâtel avec l’aide des cantons suisses mais en opposition avec le prince de Conti (autre frère de son ex-belle-mère de Condé, morte elle même en 1679) soutenu par Louis XIV. Elle l’emporta et sauva ainsi provisoirement l’indépendance de la principauté mais elle fut rappelée en France et exilée. A sa mort, la principauté passa au roi de Prusse, Frédéric de Brandebourg.

Selon Saint-Simon : « Mme de Nemours, avec une figure fort singulière, une façon de se mettre en tourière qui ne l’étoit pas moins, de gros yeux qui ne voyoient goutte, et un tic qui lui faisoit toujours aller une épaule, avec des cheveux blancs qui lui traînoient partout, avoit l’air du monde le plus imposant. Aussi était-elle altière au dernier point, et avoit infiniment d’esprit avec une langue éloquente et animée, à qui elle ne refusoit rien. Elle avoit la moitié de l’hôtel de Soissons, et Mme de Carignan l’autre, avec qui elle avoit souvent des démêlés, quoique sœur de sa mère et princesse du sang. Elle joignoit à la haine maternelle de la branche de Condé celle qu’inspirent souvent les secondes femmes aux enfants du premier lit. Elle ne pardonnoit point à Mme de Longueville les mauvais traitements qu’elle prétendoit en avoir reçus, et moins encore aux deux princes de Condé de lui avoir enlevé la tutelle et le bien de son frère, et au prince de Conti d’en avoir gagné contre elle la succession et le testament fait en sa faveur. Ses propos les plus forts, les plus salés et souvent très plaisants, ne tarissoient point sur ces chapitres, où elle ne ménageoit point du tout la qualité de princes du sang. Elle n’aimoit pas mieux ses héritiers naturels, les Gondi et les Matignon. Elle vivoit pourtant honnêtement (avec ses cousins) la duchesse douairière de Lesdiguières et avec le maréchal et la maréchale de Villeroy, mais pour les Matignon, elle n’en voulut pas ouïr parler…… elle ne pouvoit voir un Matignon sans cracher de la sorte. Elle étoit extraordinairement riche, et vivoit dans une grande splendeur et avec beaucoup de dignité ; mais ses procès lui avoient tellement aigri l’esprit qu’elle ne pouvoit pardonner. Elle ne finissoit point là-dessus ; et quand quelquefois on lui demandoit si elle disoit le Pater, elle répondoit que oui, mais qu’elle passoit l’article du pardon des ennemis sans le dire. On peut juger plus que la dévotion ne l’incommodoit pas. Elle faisoit elle-même le conte qu’étant entrée dans un confessionnal sans être suivie dans l’église, sa mine n’avoit pas imposé au confesseur, ni son accoutrement. Elle parla de ses grands biens, et beaucoup des princes de Condé et de Conti. Le confesseur lui dit de passer cela. Elle, qui sentoit son cas grave, insista pour l’expliquer, et fit mention de grandes terres et de millions. Le bonhomme la crut folle et lui dit de se calmer, que c’étoit des idées qu’il falloit éloigner, qu’il lui conseilloit de n’y plus penser, et surtout de manger de bons potages, si elle en avoit le moyen. La colère lui prit, et le confesseur à fermer le volet. Elle se leva et prit le chemin de la porte. Le confesseur, la voyant aller, eut curiosité de ce qu’elle devenoit, et la suivit à la porte. Quand il vit cette bonne femme qu’il croyoit folle reçue par des écuyers, des demoiselles, et ce grand équipage avec lequel elle marchoit toujours, il pensa tomber à la renverse, puis courut à sa portière lui demander pardon. Elle, à son tour, se moqua de lui, et gagna pour ce jour de ne point aller à confesse….. »

Toutes ces basses querelles d’héritage et de famille avaient d’autant plus d’importance qu’elles recouvraient l’épineuse question de la possession de la principauté de Neuchâtel, elles eurent pour conséquence l’ultime conflit dynastique sur ce minuscule Etat revendiqué à la fois par la duchesse de Nemours fille du dernier prince légitime et par Louis de Bourbon-Conti son neveu  (et neveu aussi du grand Condé) , querelle politique mais tristement sordide et personnelle dont Saint-Simon se fit avec un grand plaisir le caustique chroniqueur. Devant l’hostilité de Louis XIV, Conti dut s’incliner C’est ainsi que forte de l’appui des cantons suisses et des Etats de Neuchâtel, la duchesse revint à Neuchâtel mais dorénavant en opposition avec les partisans de Conti d’autant plus fort qu’il avait retrouvé la faveur de Versailles. Elle fut donc rappelée et exilée en 1700 à Coulommiers où elle demeura quatre ans mais capable encore de réapparaître toujours passionnée et irréductible jusqu’à sa mort en 1707 à Valangin près de Neuchâtel. Les Conti reprirent espoir mais les temps étaient passés et les Neuchâtelois lassés de ces interminables et dangereuses querelles se livrèrent enfin aux Hohenzollern de Prusse qui leur permettaient d’échapper au dangereux et impérialiste voisin français.

Plus intéressée par la France, la cour parisienne et par les affaires de Neuchâtel que par celles de son cousin le versatile duc Victor-Amédée de Savoie et sans avoir jamais eu aucun lien avec les Etats de ce dernier, elle demeure la dernière «aventure helvétique» des Savoie.


Bibliographie : Simone Bertière, Le grand Condé, le héros fourvoyé, Paris 2011.

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