Elle a été impératrice, régente, médiatrice et même sainte. Pourtant, son nom est rarement mentionné dans les manuels d’histoire. Pourquoi une femme aussi puissante que respectée a-t-elle disparu des mémoires ?
Son parcours mêle stratégie politique, drames personnels et foi inébranlable. À une époque où les femmes de pouvoir étaient l’exception, elle a su s’imposer au sommet de l’Empire. Une trajectoire aussi incroyable que méconnue.
Origines et ascension d’Adélaïde de Bourgogne
Une princesse issue d’une lignée puissante
Née vers 931, Adélaïde de Bourgogne appartient à une lignée parmi les plus influentes du haut Moyen Âge. Fille de Rodolphe II, roi de Bourgogne, et de Berthe de Souabe, elle est dès sa naissance destinée à jouer un rôle politique majeur en Europe. La Bourgogne, carrefour stratégique entre l’Italie et le Saint-Empire, offre à Adélaïde un terreau favorable pour nourrir ses ambitions et renforcer son réseau d’alliances.
Mariage avec Lothaire II d’Italie : début d’une destinée impériale
En 947, Adélaïde épouse Lothaire II d’Italie, roi d’Italie, un choix politique visant à unir les couronnes de Bourgogne et d’Italie. À tout juste 16 ans, elle devient reine. Ce mariage marquera le début de son implication directe dans les affaires impériales. À la mort de Lothaire en 950, Adélaïde est capturée par Bérenger II, rival de son défunt mari, dans une tentative d’exclure sa lignée du pouvoir. Mais loin de la réduire au silence, cette épreuve renforcera sa légitimité et précipitera son alliance avec Otton Ier du Saint-Empire.
Son rôle en tant qu’impératrice du Saint-Empire romain germanique
En épousant Otton Ier en 951, Adélaïde de Bourgogne devient impératrice du Saint-Empire romain germanique. Ce titre ne se limite pas à une fonction honorifique : elle joue un rôle actif dans les décisions politiques, conseillant son mari sur les affaires diplomatiques et les nominations ecclésiastiques. Elle accompagne Otton lors de ses campagnes militaires et participe au couronnement impérial à Rome en 962, affirmant ainsi sa place au cœur des institutions de l’Empire.
Un pouvoir politique affirmé aux côtés d’Otton Ier
Derrière l’image classique d’une épouse royale, Adélaïde déploie une véritable stratégie de pouvoir. Elle s’implique dans les affaires du royaume, soutenant les réformes monastiques et favorisant la paix entre les principautés germaniques. Son influence est telle qu’elle est régulièrement mentionnée dans les chartes et actes officiels. Elle agit comme médiatrice entre les factions rivales de l’aristocratie, renforçant la stabilité du Saint-Empire.
Une régence et une influence politique durable
Après la mort d’Otton Ier en 973, Adélaïde continue d’exercer le pouvoir en tant que régente pour son petit-fils, Otton III, de 991 à 995. Elle s’impose comme une figure majeure de la régence impériale, protégeant les intérêts de la dynastie ottonienne. Même après son retrait de la vie politique, elle reste une référence morale et religieuse, respectée pour sa clairvoyance et sa piété. L’héritage politique d’Adélaïde de Bourgogne perdurera bien au-delà de son règne actif.
Un engagement religieux et charitable profond
La figure d’Adélaïde de Bourgogne ne se limite pas à son rôle politique : elle se distingue également par un engagement religieux intense. Très pieuse, elle consacre une large part de sa vie à soutenir l’Église et à promouvoir les réformes monastiques, en particulier dans l’esprit de la réforme de Cluny. Sa foi personnelle se traduit par une participation active à la vie religieuse de son temps.
Adélaïde fonde plusieurs abbayes et monastères, dont celui de Selz, en Alsace, qui devient l’un des centres spirituels majeurs de l’Empire. Elle utilise ses revenus et son influence impériale pour financer des œuvres chrétiennes et soutenir les communautés religieuses. Ses actions sont motivées non seulement par la foi, mais aussi par une conscience profonde de sa responsabilité en tant que souveraine chrétienne.
En parallèle, Adélaïde de Bourgogne se montre particulièrement dévouée aux plus démunis. Elle met en place des institutions charitables, organise la distribution de vivres et œuvre en faveur des orphelins et des malades. Cette générosité contribue à forger son image de sainte impératrice auprès de ses contemporains.
Ce profil de souveraine pieuse et bienfaitrice sera reconnu officiellement après sa mort : elle est canonisée en 1097 par le pape Urbain II, près d’un siècle après son décès. Ce statut de sainte vient consacrer un engagement religieux et caritatif exceptionnel, qui fait d’elle une figure emblématique de la spiritualité médiévale féminine.
Pourquoi Adélaïde de Bourgogne est-elle tombée dans l’oubli ?
Malgré son influence immense au sein du Saint-Empire et son rôle clé dans la politique européenne du Xe siècle, Adélaïde de Bourgogne reste une figure largement méconnue. Plusieurs facteurs expliquent cette mise à l’écart de l’historiographie, souvent dominée par les figures masculines du pouvoir impérial comme Otton Ier ou Otton III.
Le recul de sa mémoire s’explique aussi par le fait qu’elle n’a laissé que peu de traces écrites de sa main. Si ses actions sont mentionnées dans les chroniques médiévales, elles sont souvent reléguées à l’arrière-plan des récits centrés sur les empereurs. De plus, le rôle des femmes dans le pouvoir a longtemps été minimisé dans les écrits historiques postérieurs, contribuant à son effacement progressif.
Les siècles suivants ont surtout retenu des figures féminines plus récentes ou liées à des épisodes à fort retentissement, reléguant Adélaïde dans les marges. Même sa canonisation tardive n’a pas suffi à entretenir son souvenir de manière durable, en dehors des cercles ecclésiastiques.
Il faut attendre les recherches modernes et la redécouverte du rôle des femmes dans l’histoire pour que l’on s’intéresse à nouveau à Adélaïde de Bourgogne. Aujourd’hui, elle est peu à peu réhabilitée comme une souveraine visionnaire et influente, modèle de piété et de diplomatie au sein du monde médiéval européen.
Redonner à Adélaïde la place qu’elle mérite dans notre mémoire collective, c’est aussi reconnaître l’importance des femmes dans la construction des grandes dynasties et dans la gestion du pouvoir impérial au Moyen Âge.




