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Mariage et diplomatie

Le mariage de Charles-Emmanuel et de Clotilde de France

 La famille royale (le couple royal et le fiancé, prince de Piémont, le duc de Chablais et sa femme (lui frère du roi et elle sa fille) et les deux sœurs du roi étaient arrivés – à Chambéry les 20 et 21 juillet 1775 : « Le roi a trouvé l’intérieur du palais fini et les dehors presque achevés, s’il en eut vu les ruines (de l’incendie de 1748) , il aurait été frappé d’étonnement de voir un tel ouvrage s’exécuter dans trois mois, il fait beaucoup d’honneur à l’architecte «  (carnet du chevalier Roze).

Après un périple dans l’avant-pays et en Savoie du nord, à la fin août, la famille royale revient à Chambéry où elle inaugure solennellement le nouveau théâtre, mais il faut aussi s’occuper du mariage, le troisième en quatre ans entre les deux familles de France et de Savoie et pour lequel le roi consacre l’argent tiré de la vente de son hôtel (des Célestins) de Lyon. Le 4 septembre, le jeune fiancé va chercher sa promise aux Echelles (dont c’est le jour anniversaire et d’autant plus joyeux qu’on fête la naissance du fils aîné du comte d’Artois, le futur duc d’Angoulême), il la ramène ensuite aux Echelles où a lieu la rencontre avec la famille royale et tout ce beau monde part vers Chambéry illuminé où l’on arrive à la nuit bien sûr au milieu d’une foule en liesse, des sonneries de cloche et des boites, des salves d’artillerie, des troupes « d’ordonnance et bourgeoises », à la lueur des torches portées par les uhlans du Bugey. Sans tarder davantage, on se rend à la Sainte Chapelle où au milieu des cierges et des musiques, l’archevêque de Turin célèbre le mariage et « Madame Clotilde s’endormit princesse de Piémont ».

« … le lendemain matin, le sénat s’est rendu en corps au château pour féliciter sa majesté sur cet heureux mariage et étant dans l’antichambre ou se sont trouvés nos seigneurs l’archevêque de Tarentaise et les évêques de Grenoble, de Genève, de Maurienne et de Pignerol, lesquels ont été introduits dans la salle de parade par Monsieur le maître des cérémonies où mgr l’archevêque de Tarentaise au nom de tous, a fait un compliment de félicitations à sa Majesté assise sous un dais, ensuite messieurs les abbés commandataires, abbés réguliers et claustraux et messieurs les officiaux ont été introiduits dans la deuxième salle, ensuite Le maître des cérémonies a accompagné le sénat dans la même chambre auprès de SM. Son excellence Monsieur le premier président comte Salteur a fait à SM compliments de félicitations sur ce mariage, il lui a ensuite baisé la main. Ensuite Monsieur. le président Maistre ( le père de Joseph et de Xavier) et messieurs les magistrats, officiers, secrétaires civils et le greffier criminel inclusivement , tous selon leur rang, ont eu l’honneur de baiser la main à SM. Ensuite Messieurs les députés du Conseil des Commis du duché d’Aoste et successivement les quatre syndics de cette ville ( de Chambéry) ont eu le même honneur… ».

L’après midi voit la répétition de ce lourd protocole devant la reine puis auprès de la nouvelle princesse de Piémont et enfin auprès du duc de Chablais et de mesdames les deux princesses, sœurs du roi « séparément dans leur appartement «.  Roze peut alors contempler les nouveaux décors qui le laissent froid : « le célèbre Gagliani, ce décorateur le plus habile de l’Europe, qui fait le charme de l’Italie s’est trouvé à Chambéry où il est venu peindre les plafonds du château, il a fait des scènes parfaitement bien entendues soit par les illusions de la perspective et les beautés de l’ensemble, soit pour louer la pure vérité, la délicatesse des coloris… cependant il ne faudrait à ce grand peintre qu’une connaissance un peu plus profonde du dessin et de l’architecture composite dont il a oublié souvent les règles les plus simples,… »

Quinze jours se passent encore en bals , cercles, réceptions, visites et repas et le 26 , c’est le grand départ des princes. Après la messe d’usage, le sénat et les quatre syndics se retrouvent encore au pied de l’escalier pour saluer la famille royale ( qu’ils ne reverront plus d’ailleurs) et pour la voir se hisser dans les carrosses et disparaître à jamais…

Carnet du chevalier Roze (ou Rosaz) présentés par François Descostes : Joseph de Maistre avant la Révolution, souvenirs de la société d’autrefois. 1753-1793. Paris. 1893.