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Les ambitions royales

3) Les ambitions royales (Ambitions et catastrophes du XVIII° siècle)

En août 1713, immédiatement revenu en Savoie, Victor-Amédée put savourer le nouveau titre royal que lui avaient enfin octroyé les puissances mais il était surtout bien décidé aussi à profiter de la paix pour réorganiser et vint en mai chercher au Pont de Beauvoisin une princesse qu’il ne connaissait pas et qu’il s’empressa d’épouser quelques jours après à Chambéry où l’on commençait à prendre goût aux fastes nuptiaux de la dynastie. Sans s’apercevoir combien la grâce de l’époux était de pure convenance et la soumission de la nouvelle duchesse aussi évidente que sa réserve. Dans de telles conditions, il n’était pas nécessaire de perdre davantage de temps et les chandelles étaient à peine mouchées que la cour repartait à bride abattue à Turin, tellement le jeune souverain avait hâte d’exercer le pouvoir suprême sans contrainte comme il l’annonça bientôt dans son « mémoire pour le gouvernement de mon Etat ». Ses Etats. Plus actif que jamais dans la paix comme il l’avait été durant la guerre, il multiplia ainsi ses séjours à Chambéry pendant les dernières quinze années de son règne, moins pour briller et s’amuser que pour travailler à ses réformes. En effet ce besogneux n’allait cesser de multiplier les initiatives pour renforcer son pouvoir (réunification des deux chambres des comptes de Savoie et du Piémont, création d’un intendant général de Savoie, d’un vicaire de police pour la ville de Chambéry et surtout les deux grands services gouvernementaux du cadastre et de la Réforme.) ce qui ne l’empêcha pas aussi de s’occuper avec le même soin du vieux château , de sa structure comme de son équipement. Travail considérable, dont il ne reste presque rien mais qui n’en fut pas moins remarquable dans sa diversité et dans son efficacité.

Place d’abord à l’administration, c’est ainsi que le roi installa ses archives dans la tour carrée du midi qui débarrassée de ses cachots médiévaux prit définitivement le nom de « tour des archives », tout le système monarchique reposant sur le fisc et les finances : c’est dans la tour de l’ouest qu’il installe son trésorier général (donnant ainsi au bâtiment l’appellation de « tour trésorerie ») . Quant au cadastre qui lui tenait tant à cœur, il l’installa dans tous les locaux disponibles, dans les salles de la Chambre des Comptes maintenant disparue ( où travailla Rousseau qui ne s’y plut guère) mais aussi dans le « Pavillon » du nord-ouest et dans l’ancienne immense « aula » médiéval des ducs à côté de l’ancienne « salle de parade » qui reçut les bureaux de « la péréquation générale et de la taxe foncière ». Les cartes cadastrales (les célèbres « mappes ») furent rassemblées dans l’ancienne tour demi-ronde appelée jusqu’alors « tour aux armes » et qui bien sûr s’appela désormais « la tour des mappes ». Quant au nouvel intendant, on l’installa dans la partie de l’ancien château médiéval qui donnait sur la cour intérieure et qui tendait bientôt à occuper tout ce bâtiment…

. Le souverain n’entendait pas non plus renoncer à ses propres besoins surtout quand il envisagea de se retirer ici. On le vit ainsi se faire aménager de nouveaux appartements au pied de la tour des archives dans la partie orientale de l’aile du midi et dans le vieux bâtiment à l’entrée du château baptisé alors « bâtiment des princes » (car le souverain y avait installé ses fils qui furent successivement princes de Piémont) , le tout au dessus de la terrasse intérieure dite « de la Reine » et de la vieille entrée entièrement refaite, élargie et modernisée ( avec la suppression des fossés et du pont-levis). La grande cour intérieure n’échappa point aux travaux puisqu’elle fut abaissée et dotée d’un grand escalier desservant l’aile du midi ( doublant un autre escalier sur l’autre façade) cour intérieure, et desservi par de deux escaliers, un grand sur la cour et un autre plus réduit du côté sud. certes il ne put créer ici la ménagerie dont il ne cessa de rêver mais il n’en installa pas moins une volière sur la terrasse de la reine et surtout il transforma au pied de la tour demi ronde la grande terrasse en parterre et jardin avec jet d’eau, fleurs, tilleuls, charmes et buis sans oublier en contrebas un utile jardin potager doté d’une maison spéciale pour le jardinier.

Pour être souvent en opposition avec le pape (et avec la morale conjugale), le roi n’en chercha pas moins à régler ses obligations sprituelles . Il dota la Sainte Chapelle d’une tribune « royale » située juste au dessus de la chapelle Saint-Joseph ( actuelle sacristie) et desservie par un discret passage sur voûte dans la petite cour latérale ainsi que par un couloir intérieur en lien avec son appartement… enfin il confia à son architecte favori Juvarra la confection d’un nouvel autel en marbre polychrome qui semble bien avoir été préservé jusqu’à nos jours ( même si la partie supérieure paraît avoir été ajoutée postérieurement). Décidément, rien n’échappait à ce travailleur sourcilleux et frénétique.

Hélas ! le trop est l’ennemi du bien : tout cela suscita entre l’occupant et le bâtiment occupé  une relation profonde qui explique l’ultime crise de 1730-1731 En septembre, le « vieux souverain » ( âgé de 64 ans, il régnait de fait depuis 46 ans) avait convoqué à Rivoli la cour et les hauts dignitaires du royaume pour leur révéler, à leur grand surprise, son intention d’abdiquer au profit de son fils Charles-Emmanuel dit « Carlin » et de se retirer à Chambéry avec sa nouvelle et jeune épouse marquise de Spigno et comtesse de Saint Sebastien ( qui n’avait que quarante cinq ans ) . Certes il n’avait jamais apprécié son héritier dont il doutait de l’intelligence et du dévouement., mais il n’en eut pas moins la tentation de changer de vie d’où sa volonté de discrétion ( il arrive à Chambéry sans aucun apparat) et de modestie ( il ne loge pas dans les appartements officiels mais se contente d’un petit appartement dans le bâtiment de l’entrée avec quelques domestiques) . Hélas, une telle situation aussi extraordinaire fut-elle, ne pouvait durer avec un personnage aussi complexe, aussi imaginatif, aussi actif et instable. On le vit s’acharner à restaurer et réaménager autant que possible tous les grands appartements comme s’il songeait à s’y installer avant de changer d’avis et de jeter son dévolu sur le château Costa de Saint-Alban dans les environs de Chambéry. Il eût pu se contenter de ces travaux matériels et pratiques mais l’ancien roi révéla bientôt son souci de rester au courant des affaires, exigeant un rapport hebdomadaire sur les activités du nouveau roi et de ses ministres, n’hésitant point à gourmander ces derniers et à interpeller son fils. Le 3 février, le royal retraité avait eu une attaque d’apoplexie qui inquiéta les milieux turinois, malheur qui fut doublé bientôt en mars par un autre événement catastrophique ( on vit pire ensuite) avec l’incendie de l’intendance qui vit ses combles entièrement ravagées et les archives de l’Ordre des Saints Maurice et Lazare complètement anéanties. Le roi qui eût voulu venir immédiatement, n’arriva pourtant ici qu’en avril et parut trouver tranquillité et sérénité durant la quinzaine qu’il passa ici avec son terrible père. Impossible d’en rester là et en juillet la crise rebondit violente et insoluble à propos du voyage solennel du roi revenu en Savoie pour recevoir officiellement la fidélité de ses sujets et prendre les eaux à Evian au moment même où Victor-Amédée furieux des modifications faites à sa politique fiscale et religieuse pensa reprendre le pouvoir , d’où une série de scènes violentes, le roi quittant discrètement Chambéry « poursuivi » par son père arrêté et enfermé à Rivoli où la mort interrompit trois mois après en juillet 1732 le scandale d’un vieillard déchaîné contre son fils qui avait failli susciter au pire une guerre civile et au mieux une aventure ridicule tant il est vrai qu’on ne revient jamais en arrière tant en politique qu’en histoire…

Après tant d’évènements, Charles –Emmanuel se contenta de terminer les travaux commencés par son père et se contenta d’attribuer le « Pavillon » à sa cousine Anne-Victoire de Savoie-Soissons, une aigre personne cousine et héritière du prince Eugène et qui ,séparée de son mari le duc Frédéric de Saxe-Hildurghausen, vint se consoler ici ( et agrandir le bâtiment ). Cependant le roi, à peine remis des crises familiales, revint ici mais cette fois dans un but plaisant, celui de son propre mariage. Certes il avait déjà eu deux unions mais à chaque fois il s’était retrouvé veuf avec maintenant six enfants ( trois garçons et trois filles ) ce qui à 36 ans était fort lourd, ennuyeux et même un peu dégradant. Deux ans après la mort de Christine de Hesse, il négocie donc un projet matrimonial avec Elisabeth de Lorraine, fille du défunt duc Léopold et sœur du jeune duc François qui venait de se marier avec Marie-Thérèse d’Autriche et qui venait d’échanger son duché de Lorraine avec celui de Toscane. mais qui était sa cousine bien sûr par la famille d’Orléans…. La mariée, qui était aussi la cousine du roi par l’intermédiaire de la famille d’Orléans, recevait une dot de 300.000 livres de Lorraine et un mariage par procuration avait été célébré à Lunéville en mars 1737 et le 30 mars, la jeune « fiancée » arrivait par Lyon et Bourgoin au Pont de Beauvoisin où le roi la retrouva et c’est dans un grand et beau cortège où le couple installé dans un carrosse à 6 chevaux fait son entrée à Chambéry et au château par la nouvelle porte ( dite « Porte Reine ») percée dans l’enceinte de la ville pour en faciliter l’accès. On pouvait s’enorgueillir des 27 lanternes mises dans la cour du château et des 385 cierges installées sur les façades , des onze cuisines préparées pour tant de personnes, des deux grands « barracons » pour la « provisionnerie » dans les jardins, des vingt cinq grandes tapisseries éclairés par dix immenses lustres dans les salles des grands appartements et de la masse du mobilier amenés ici en treize convois . Il n’empêche qu’à peine arrivé le soir du 31, le jeune couple princier se rend à la chapelle pour recevoir la bénédiction nuptiale de l’archevêque de Turin, Mgr Luserna de Rora . On reste ici une petite semaine en multipliant les visites solennelles et les grandes réceptions des autorités, de la noblesse et des voisins ( en particulier une délégation des « magnifiques seigneurs » de Genève) mais on ne s’attarde pas et le 7 avril, tout ce petit (et grand ) monde reprend le chemin de Turin où la nouvelle souveraine aussi malchanceuse que celles qui l’avaient précédée ici , va mourir à 30 ans en juillet 1741.

Le mariage du roi avec Elisabeth de Lorraine avait concrétisé la volonté de Turin de se rapprocher des Habsbourg, politique dangereuse puisqu’en 1742, un ennemi imprévu, l’armée espagnole, envahit la Savoie en vue de passer en Italie et de s’emparer du Milanais en profitant de l’hypocrite neutralité d e la France . En septembre, Don Felipe, second fils du roi Philippe V débouche par le Galibier dans le duché qui, surpris et sans défense, ne peut que se livrer à l’envahisseur et le 7 septembre Chambéry est une nouvelle fois occupée, le gouverneur Menthon de Lornay est parti vers Bourg Saint-Maurice laissant l’intendant général Bonaud expédier vers Genève et le Piémont la caisse des finances royales, les objets de prix et les archives officielles du château. Certes la surprise passée, le roi réagit et en octobre, il réapparaît dans la capitale savoyarde ( préférant bientôt néanmoins s’installer à Montmélian pour y mieux organiser la défense du duché. Cependant du fait de l’hiver, cette dernière ne peut s’effectuer efficacement et le 5 janvier 1743, le jeune prince espagnol réapparaît solennellement à Chambéry qui va cette fois subir l’occupation étrangère pendant cinq ans jusqu’en février 1748. Philippe ravi de cette facile victoire peut alors écrire à ses parents : » La ville est assez petite mais très peuplée et les environs sont très beaux. Le peuple a paru assez content de me voir et ils ont beaucoup crié. J’ay ensuite essuyé les harangues du corps de ville, du sénat et de la noblesse. Ce château est antique, mais les appartements y sont très beaux et assez commodes… »

L’occupation espagnole a laissé ici un triste souvenir de réquisitions et de charges mais au château il en alla bien autrement car le jeune infant qui vise une couronne en Italie, se révèle fort courtois et aimable maintenant dans une stricte discipline les 5.000 hommes de la garnison… on laisse à la haute société ses biens, ses privilèges et ses fonctions ( l’Espagnol maintient en particulier la Chambre des Comptes que Charles-Emmanuel avait eu juste le temps de reconstituer dans son dernier bref séjour de décembre 1742) cependant pour amuser les uns et charmer les autres, on multiplie les fêtes, bals, dîners et spectacles ( aux frais des Savoyards bien sûr !) avec deux innovations à grand succès, le jeu de cartes et le théâtre de sorte que le château donne alors une image assez curieuse de plaisirs, de luxe et de mondanités , même si dans le détail, tout n’est pas facile et évident, il y a d’abord l’incendie de février 1743 ( donc juste quelques semaines après le retour ici des Espagnols) puis entre 1743 et 1747. L’infant guère ému par la catastrophe, se réfugia à l’hôtel d’Allinges , qui était de fait une des plus grandes et des plus belles résidences de Chambéry et ne revint au château que pour le plaisir de la comédie , se contenant d’aller dorénavant passer l’hiver en Italie laissant les gouverneurs de Sada et Munian gérer ici les affaires et les plaisirs….. D’ailleurs dès 1746, il semble être moins en faveur à Madrid et moins porté sur les réceptions et c’est dans l’indifférence et une relative tristesse qu’il part en chaise de poste à Grenoble le jour même de Noêl 1748….

Le château allait payer cher de s’être trouvé le cadre d’une telle confusion. L’incendie avait ravagé une grande partie de l’aile du midi consacrée aux grands appartements royaux, au sud de la grande « aula » mais d’un autre côté, -une nouvelle fois- les Savoyards et surtout les Chambériens n’avaient pas révélé un grand esprit de résistance sinon de fidélité et de nationalisme mais les souverains avaient eu toujours eu la bonne grâce de bien vouloir ne pas en tenir compte. Cependant tout changea après 1748 car Charles-Emmanuel III mal remis de son éducation et du mépris de son père avait beau être un prince sérieux et travailleur, il n’en était pas moins un tempérament revêche, plus sensible à l’amertume qu’à la bienveillance, ne cessant pendant près de 25 ans de manifester sa rancune et son ressentiment envers un duché aussi infidèle et aussi indifférent ( n’avait-il pas discuté secrètement en 1745 avec les Français en vue d’un échange entre la Savoie et le Milanais ?) . Aucune visite princière ne vient donc enflammer l’enthousiasme chambérien et encore moins permettre au château des travaux de restauration et même d’entretien. La grande idée du souverain refermé désormais sur sa famille et ses châteaux turinois est moins de favoriser le vieux duché savoyard que de le soumettre à la loi commune du royaume au détriment de tout ce qui en faisait l’originalité, aussi bien dans ses institutions, que dans ses réglements administratifs et bien entendu dans son patrimoine monumental….. Alors que la conjoncture économique s’améliore, jamais le château n’apparaît aussi négligé et presque abandonné , réduit à n’être plus qu’un foyer administratif. Une seule décision gouvernementale concerna le château en révélant sa décadence : en 1763, la Sainte-Chapelle devint église paroissiale en remplacement de l’église Saint-Léger vénérable monument médiéval détruit pour insalubrité , on était tombé bien bas et personne ne sembla s’en émouvoir…..

Les dernières illusions de l’Ancien Régime

Rien n’est jamais perdu, il suffit d’avoir la patience (et la force) d’attendre une situation meilleure provoquée ici par le rapprochement franco-sarde qui suscita le premier mariage « français » depuis celui de Marie-Adélaïde de Bourgogne presque un siècle plus tôt . En 1771, la Savoie vit ainsi arriver la petite-fille du roi, la princesse Marie-Joséphine dont on avait négocié l’union avec le jeune duc de Provence, (le futur Louis XVIII) frère du dauphin ( lui-même marié l’année précédente avec Marie-Antoinette de Habsbourg) . Certes on fut surpris car rien n’avait annoncé ici un tel évènement mais cela n’avait aucune importance car il s’agissait d’aller vite à Versailles pour y concrétiser l’alliance au moyen d’une princesse peu gracieuse et parfaitement inconnue ici et de ce fait rien ne fut organisé à Chambéry où le cortège se contenta de faire étape ( à l’hôtel d’Allinges en ville du fait de la ruine du château) avant de passer en France. Il n’empêche : Chambéry se remit à espérer de prometteurs voyages officiels d’autant que le roi Charles était mort en février 1773 et que son fils Victor-Amédée qui n’avait pourtant rien d’une personnalité décisive, arriva sur le trône bien décidé à marquer de son empreinte la politique extérieure comme celle de l’intérieur. On renforça d’abord l’alliance française en impulsant un second mariage français répétant celui de 1771 d’où l’arrivée tout aussi surprenante à Chambéry du petit convoi menant la princesse Marie-Thérèse à Versailles pour y épouser le comte d’Artois qui était déjà son beau-frère et qui se trouvait « disponible » n’ayant pu épouser comme convenu la fille du prince de Condé. La jeune promise n’était déjà pas très belle mais surtout peu gracieuse ( elle ne prononça aucune parole lors de son mariage et guère plus à Chambéry lors de son passage ). On ne put que se flatter d’une telle réception ( toujours à l’hôtel d’Allinges) mais en fait on attendait mieux dans un temps prochain car en juin 1775 Victor-Amédée III décida enfin d’emmener sa famille en Savoie où elle resta jusqu’en septembre. Il voulait marquer son avènement par une décision symbolique des temps nouveaux, sous le prétexte de la rencontre et du mariage du nouveau prince héritier Charles-Emmanuel avec Clotilde de France, la dernière née de la famille royale française. L’implication d’un prince héritier et d’une princesse royale marquait après les deux mariages précédents l’importance de l’alliance entre Versailles et Turin qui reliée au traité familial (entre les branches Bourbon) et au rapprochement de franco-autrichien semblait donner à l’Europe une perspective inégalée de paix….

La première conséquence de la décision royale fut la restauration du château que l’on ne pouvait manquer d’entreprendre au plus vite pour une visite digne de la famille royale. Cette dernière fit appel au grand architecte à la mode Giuseppe Piacenza ( déjà bien connu en Savoie comme architecte de la ville nouvelle de Carouge) , charge à lui de présenter un plan complet du futur château . Rien ne pouvait décourager l’esprit actif de Piacenza qui imagina un grand château classique entourant une cour carrée, n’hésitant pas à détruire la tour des Archives ainsi que le bâtiment médiéval de l’intendant et du gouverneur. Lié à la Tour ronde, un grand vestibule au pied d’un grand escalier monumental permettait d’accéder au Pavillon au nord et à la longue suite des Grands Appartements de l’aile sud. Des galeries reliaient enfin cette dernière et le Pavillon à la chapelle. Tout ceci était grandiose mais bien sûr coûteux alors que la cour n’était finalement pas très riche et surtout fort pressée. Il fallut donc en rabattre et on se décida pour un projet réduit de 90.000 livres , qui ne détruisait rien se contentant de restaurer vaille que vaille les bâtiments détruits de 1743 et de compléter le tout par des constructions de bois cachés sous du plâtre, des toiles, des pilastres maçonnés. En deux mois, à grands renforts d’une foule d’ouvriers, de convois de bois et d’ardoises, le miracle fut l’achèvement sinon d’un palais du moins d’un décor capable de faire illusion à la condition de ne pas trop regarder dans les coins ou de gratter les murs. On pouvait s’extasier sur la « modernité » de la cour du château enfin « classique » au point que l’on s’illusionna sur le caractère définitif d’un ensemble pourtant fort fragile….

Bien sûr l’opinion savoyarde jubila, surtout à Chambéry où l’on n’avait pas vu depuis des années autant de figures princières et autant de bons sentiments. Certes, après les bâtiments, il ne fallait pas trop s’extasier sur les personnes : le roi qui avait la cinquantaine, avait du mal à sortir de la vie discrète que son père lui avait imposée et sa réserve n’arrangeait rien. La reine Marie-Antoinette d’Espagne ( sœur de l’infant Philippe) avait de la grâce et de la distinction mais peu de spontanéité et une incontestable raideur et les deux jeunes mariés n’offraient guère de distinction, lui chétif et amaigri, elle au contraire trop forte pour son âge ( « la grosse Bourbon » . L’illusion du château était accentuée encore par ce long séjour de la cour qui donna l’impression à Chambéry de redevenir capitale pour la plus grande joie de la noblesse locale qui se crut de nouveau en faveur (et dont les prétentions ne firent que s’aggraver au grand dam de la bourgeoisie) sans parler bien sûr du commerce local ravi de tant de si bonnes affaires. Certes la famille royale ne cessa de se promener dans tout le duché, mais elle n’en avait pas moins établi ses quartiers au château où le jeune couple princier s’était établi au Pavillon, laissant bien sûr les Grands Appartements au couple royal et les « tantes » (sœurs du roi) dans l’appartement du gouverneur prié d’aller loger ailleurs. L’été se passa en réceptions et cérémonies diverses pendant que les bureaux s’agitaient sur des plans de rénovation intérieure et extérieure. On rêvait sur les futurs grands appartements , sur l’inévitable grand escalier qui allait les desservir, sur les nouveaux jardins, sur les nouvelles entrées. Au même moment, Chambéry qui venait enfin de se doter d’un nouvel évêché, frémissait sur la construction d’un nouveau palais pour le prélat et s’enthousiasmait sur une nouvelle église paroissiale au faubourg Montmélian. Jamais la petite ville n’avait connu une telle fièvre d’autant plus douloureuse qu’elle ne correspondait en rien aux conditions locales et aux possibilités de l’Etat. La cour s’éloigna à l’automne et finalement il était temps car bien des nouvelles constructions commençaient à se dégrader d’ailleurs confusion aidant, le vénérable chapitre de la Sainte Chapelle fut transféré à la cathédrale comme chapitre du nouvel évêque en 1779 et personne ne sembla le remarquer et le regretter……

Après avoir beaucoup tergiversé, les bureaux se décidèrent enfin en 1783 à un nouveau chantier pour un monument aussi beau que possible (le roi a manifesté son intention de revenir) mais surtout restauré plus tranquillement et plus durablement. Une nouvelle fois la contradiction d’un bâtiment à la fois résidence princière et local administratif suscita bien des contrastes entre les étages : au rez de chaussée les salles d’archives, les cuisines, magasins, écuries et remises diverses, au premier les bureaux et à l’étage noble « piano nobile » les appartements royaux privés au sud de l’aile du midi, officiels au nord au delà d’un nouveau grand escalier vers la tour ronde , le grand escalier de Piacenza et le Pavillon. On avait détruit la vénérable terrasse « de la reine » trop dégradée et trop gênante pour la remplacer par une galerie permettant aux souverains de se rendre directement de leurs appartements à la chapelle. D’un autre côté pour satisfaire les besoins du gouverneur lui-même harcelé par l’intendant, on élève de deux étages une partie de la façade de l’ancienne chambre des Comptes ( y « noyant « les deux grandes lucarnes de l’ancien toit). Comme le roi tardait à revenir et que les caisses royales s’étaient vite tournées vers d’autres besoins plus urgents, le chantier fut assez lent car en quatre ans, on ne fit en fait pas grand chose. Une fois de plus, il fallait se faire une raison de l’irréalisme des restaurations qui ne voulait pas croire à la disparition de fait de la vocation princière du bâtiment réduit de plus en plus à une simple entité administrative et paperassière….

3a) Modèles et copies de Versailles photos 7,8,9,10

 

7) Château d'Aglié, les ducs découvrent le charme du Canavese (XVII° s.).
7) Château d'Aglié, les ducs découvrent le charme du Canavese (XVII° s.).
8) Palais de la Venaria Reale dans les environs de Turin pour la satisfaction des chasses ducales dès le reigne de Charles Emanuel II. Inspirant les besoins et l'orgueil des autres souverains de la période.
8) Palais de la Venaria Reale dans les environs de Turin pour la satisfaction des chasses ducales dès le reigne de Charles Emanuel II. Inspirant les besoins et l'orgueil des autres souverains de la période.
Les princes baroques entendent concilier la splendeur des jardins et les beautés architecturales. Le Parc Royal (XVII° s.) sera détruit par Louis XIV.
9) Les princes baroques entendent concilier la splendeur des jardins et les beautés architecturales. Le Parc Royal (XVII° s.) sera détruit par Louis XIV.
10) Château de Rivoli entre le Mont Cenis et Turin. Un orgueil pour Victor Amédée II épargné de justesse par Louis XIV.
10) Château de Rivoli entre le Mont Cenis et Turin. Un orgueil pour Victor Amédée II épargné de justesse par Louis XIV.
A la gloire de la souveraine de Savoie, la Vigne de la Reine fait découvrir à la Cour les charmes de la campagne turinoise.
11) A la gloire de la souveraine de Savoie, la Vigne de la Reine fait découvrir à la Cour les charmes de la campagne turinoise.
12) Le château de Moncalieri la forteresse de XV° s. à été remaniée et agrandie au XVII° s.
12) Le château de Moncalieri la forteresse de XV° s. à été remaniée et agrandie au XVII° s.
13) Le château (de chasse) de Stupinigi, le chef d'oeuvre de Juvarra pour la passion de Victor-Amédée II.
13) Le château (de chasse) de Stupinigi, le chef d'oeuvre de Juvarra pour la passion de Victor-Amédée II.

 

 

3b) Entre les modèles français et prussiens

 

les rois de Piemont Sardaigne