Figure peu connue du grand public, elle a pourtant partagé la vie du futur roi Charles X et traversé les turbulences de la Révolution française. Derrière son nom, une histoire oubliée, faite de stratégies diplomatiques, de solitude et de résignation.
Qui était vraiment cette princesse de Turin, devenue comtesse à la cour de Versailles ? Une vie à cheval entre faste royal et retrait discret, entre destin imposé et volonté effacée. Le genre de parcours qu’on lit rarement dans les manuels d’histoire.
Origines et jeunesse de Marie-Joséphine de Savoie
La maison de Savoie : un berceau princier
Née le 2 septembre 1753 à Turin, Marie-Joséphine de Savoie appartenait à la prestigieuse maison de Savoie, l’une des plus anciennes dynasties royales d’Europe. Fille de Victor-Amédée III, roi de Sardaigne, et de Marie-Antoinette d’Espagne, elle grandit dans un environnement imprégné de traditions aristocratiques et d’alliances politiques. Sa lignée faisait d’elle une descendante directe des ducs de Savoie, renforçant sa légitimité dans les cercles royaux européens.
L’enfance et l’éducation d’une future comtesse
Durant son enfance, Marie-Joséphine de Savoie reçut une éducation soignée, conforme aux attentes de la haute noblesse. Elle fut formée à l’étiquette, aux langues étrangères — notamment le français —, ainsi qu’aux arts et aux sciences. Sa formation visait à préparer une union stratégique avec un prince européen. Sa grâce et son esprit cultivé firent d’elle une candidate idéale au mariage princier, ce qui aboutira quelques années plus tard à son union avec le comte d’Artois, futur roi Charles X. Cette alliance marqua un tournant dans la vie de la jeune comtesse d’Artois, la propulsant au cœur de la cour de France.
Le mariage avec Charles de France, comte d’Artois
En 1773, Marie-Joséphine de Savoie épouse Charles-Philippe de France, le comte d’Artois, frère cadet de Louis XVI. Cette union s’inscrivait dans une stratégie diplomatique visant à renforcer les liens entre la maison de Bourbon et la maison de Savoie. Bien plus qu’un simple mariage princier, il représentait l’alliance de deux grandes couronnes européennes, dans un contexte politique tendu à la veille de la Révolution française. Le mariage fut célébré à Versailles avec faste et honneurs, consacrant Marie-Joséphine dans son rôle de nouvelle comtesse d’Artois.
Une alliance stratégique entre la France et la Savoie
Le choix de Marie Thérèse de Savoie, comme on l’appelait parfois par confusion, répondait à un intérêt géopolitique clair : maintenir une alliance avec le royaume de Piémont-Sardaigne. Le roi Louis XV avait soutenu cette union afin de contrebalancer l’influence autrichienne en Europe. En liant son frère à une princesse de Savoie, la couronne de France espérait asseoir une stabilité diplomatique dans la région alpine.
Un couple contrasté : portrait du duo princier
Malgré les ambitions politiques de leur mariage, la relation entre Marie-Joséphine et Charles-Philippe se révéla rapidement difficile. Le comte d’Artois, connu pour son tempérament libertin et frivole, partageait peu d’affinités avec sa discrète épouse. Leur union produisit tout de même plusieurs enfants, mais le couple mena des vies largement séparées. Marie-Joséphine souffrit de cet éloignement, se réfugiant dans la religion et un train de vie plus retiré à la cour.
Le rôle et la vie politique de la comtesse d’Artois à la cour de France
À la cour de Versailles, Marie-Joséphine de Savoie, devenue comtesse d’Artois, évolua dans un univers empreint de cérémonial et de rivalités. Malgré une position officielle prestigieuse, son influence politique resta limitée. Contrairement à Marie-Antoinette ou d’autres figures féminines de la cour, elle ne joua pas un rôle central dans les intrigues ou les affaires de l’État.
Peu appréciée par ses pairs en raison de son tempérament réservé et de son physique jugé peu avenant selon certains mémoires du temps, Marie Joséphine de Savoie se tint en retrait de la vie mondaine. Elle préférait les cercles discrets et la piété aux salons brillants du château. Cela contribua à renforcer son image d’épouse effacée, éloignée du pouvoir malgré son rang.
Cependant, son rôle n’était pas entièrement passif. La comtesse d’Artois assuma des devoirs protocolaires importants, notamment lors d’événements officiels et de réceptions diplomatiques. Elle incarnait la continuité dynastique et participait à la mise en scène du pouvoir monarchique, ce qui revêtait un poids symbolique fort sous l’Ancien Régime.
Exil, fin de vie et postérité de Marie-Joséphine de Savoie
La Révolution française marque un tournant dramatique dans la vie de Marie-Joséphine de Savoie. En 1791, elle fuit la France avec son époux, le comte d’Artois, pour échapper aux bouleversements révolutionnaires. L’exil devient leur quotidien pendant plusieurs décennies, les menant tour à tour en Allemagne, à Turin, puis en Angleterre, où elle passa ses dernières années.
Éloignée de la cour et marginalisée dans sa propre famille, Marie Joséphine de Savoie vit à Londres jusqu’à sa mort en 1810. Sa santé déclinante et la solitude de l’exil marquèrent ses dernières années, ponctuées par une pratique religieuse intense. Elle s’éteint le 13 novembre 1810 à Hartwell House, sans jamais revoir la France qu’elle avait quittée près de vingt ans plus tôt.
La postérité a longtemps gardé une image discrète de la comtesse d’Artois. Dénuée d’influence politique réelle et éclipsée par des figures comme Marie-Antoinette, elle reste aujourd’hui une figure méconnue de l’Ancien Régime. Toutefois, son parcours illustre la destinée parfois tragique des princesses européennes prises dans les tempêtes de l’Histoire. À travers elle, le destin de la Marie Thérèse de Savoie — comme certains l’ont appelée — témoigne des liens complexes entre devoir dynastique et identité personnelle à la veille de l’effondrement monarchique.




