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2 – ADELAIDE DE SUSE (1010-1090)

« Belle-fille de la précédente princesse Adelaide », première connue et tout de suite célèbre.

Elle n’est pas la première de notre liste mais elle n’en demeure pas moins la première historiquement « retenue » et connue.

Elle serait née entre 1000 et 1024, morte vers 1090), petite fille de Arduin dit «le Glabre», (940-976) premier marquis de Suse et premier comte de Turin. Son père semble bien être Ulrich (Manfred) ou Oldéric d'Oriate (978-1035).

Premier mariage en 10?? à Suse entre Oddon et Adelaide (née entre 1000 et 1024, morte vers 1090).

On lui signale trois unions successives (en mêlant les générations et surtout l’ordre de ces mariages. Selon le chroniqueur Jean Cabaret d’Orville, "jousne et belle" elle aurait été promise d’abord au marquis de Saluces (?) puis à Humbert qu’elle aurait épousé en la cathédrale de Suse en trois jours « de feste de dancier, chanter et esbattre » car ils étaient jousnes tous deux et s’y entr’amoyent de bonne amour ») André du Chesne lui parle d’Amédée I°, fils d’Humbert. On lui a aussi « assigné » Guigue d’Albon ( en Viennois, 1000-1070), Herman IV, duc de Souabe (1014-1038), beau-fils de l’empereur Conrad II le Salique et mort de la peste (?) et enfin Henri de Montferrat mort en 1045.

Elle avait hérité de la plus grande partie des domaines de son père (même si une autre partie fut attribuée à sa sœur Berta et à son mari Bonifacio del Vasto).

Enfin (et c’est une certitude) vers 1046, la comtesse (« comitissa » plutôt que marquise car la fonction marquisale reste réservée aux seuls mâles) épouse Odon 1° (Eude, Othon ?) 3° comte de Maurienne et de Savoie, (ainsi appelé après 1051), fils d’Humbert aux Blanches Mains, qui joua certainement un rôle décisif dans cette union.

Premier mariage en 10?? à Suse entre Oddon et Adelaide (née entre 1000 et 1024, morte vers 1090).

Odon (né en 1013 (?) et mort en 1060), avait lui-même succédé à son frère Amédée (Amé) dit « la Queue ». Il est possible et même certain que cette union se prépara et se réalisa sous le contrôle et même l’initiative de l’empereur (Conrad II ou après 1039 Henri III "le Noir") qui ne pouvait pas manquer de la considérer sous son pouvoir. Cependant les questions demeurent sur la date de l’événement (en 1034 pour certains, en 1046 pour d’autres) et sur sa nouveauté, Adélaïde en était-elle à son 3°mariage ? mais on dit aussi que Odon lui-même aurait déjà épousé en I° noces Richilde fille de l’empereur Othon le Grand. En tous les cas, ce mariage a certainement été l’œuvre la plus importante du comte Odon, le premier grand mariage utile des Humbertiens puisque Adélaïde apporte tout un domaine transalpin avec Ivrée, des droits sur Turin, Pignerol et surtout le château de Suse, clé du passage du Mont Cenis, en tous les cas elle contribue grandement aux possessions des premiers « humbertiens ».

On ne sait pas exactement combien elle avait eu d’enfants de ses précédents maris, mais l’histoire savoyarde a retenu les cinq nés du comte Odon : Pierre 1° (1047-1078) 4° comte, Amédée II (1048-1080) successeur de son frère et 5° comte, Odon évêque d’Asti (mort en 1088) et enfin deux filles Berthe {3} (1051-1088) et Adélaïde {4} - (1052-1079) qui arrivèrent toutes deux à la tête de l’empire. Certains parlent d’une seconde Adélaïde, fille d’Odon, {5}, épouse de Guigues I° d’Albon dit "Guigue Vetus" (1000-1070) qui lui aurait survécu avant de mourir moine (?) à Cluny.

Bref tout ceci n’est pas très clair car les historiens mêlent les générations, les prénoms homonymiques, les mariages et les naissances.

Odon est connu pour avoir été le premier de la Maison de Savoie à battre monnaie, il semble avoir eu comme résidence principale le château de Charbonnière en basse Maurienne près d’Aiguebelle doublé ensuite de celui d’Avigellane (Avigliana) en Val de Suse qui paraît être devenu ensuite son principal centre d’intérêts.

Au décès d' Odon I° en 1060, Adélaïde exerce la régence (ou le pouvoir) pour ses fils Pierre (1° 1048-1078) et Amédée II (1050-1080) soit pendant une trentaine d’années, record de longévité et d’habileté.

Maîtresse femme, elle s’arrange pour avoir des relations personnelles avec l’empereur. Son père déjà avait été un élément essentiel de la politique des premiers souverains germaniques et les hypothèses sur ses mariages précédents révèlent l’importance du siége impérial pour ces princes en passe de devenir les incontournables intermédiaires entre l’Italie et la Germanie, les deux fondements de la puissance du nouveau Saint Empire. c’est ainsi qu’elle arrive à marier sa fille Berthe avec Henri IV en 1066, ce qui était une belle promotion mais non sans problème car le dit prince ne cessa de rencontrer l’opposition de grands seigneurs (les princes saxons), d’une certaine opinion fatiguée des levées fiscales et enfin et surtout du pape Grégoire à propos de la nomination des évêques. Pour prévenir un voyage en Allemagne du souverain pontife qui l’avait excommunié (en vengeance de l’élection d’un antipape), l’empereur préféra aller le voir en Italie. D’où ce voyage célèbre où vers Noël 1077, le couple impérial arriva en Savoie, rencontra certainement la vieille comtesse à laquelle il aurait cédé des droits (sur le Bugey ? sur le Chablais ? sur Aoste ?) pour pouvoir continuer son voyage vers l’Italie (à Canossa) en dépit de la neige et de la glace… En tous les cas, Adélaïde paraît avoir superbement réussi ce premier geste de grande politique en sauvant ses relations autant avec le pape qu’avec l’empereur et en se faisant ainsi reconnaître comme garante d’un accord entre le pontife et le souverain et surtout comme gardienne des Alpes, rôle que ses descendants allaient assumer avec profit durant des siècles.

Plus précisément on se rappellera la protection qu’elle accorda à l’abbaye Santa Maria Assunta près de Pignerol et qu’elle confia aux bénédictins de la Sacra di San Michele (trop contente d’affaiblir cet établissement tenté par l’indépendance vis à vis du pouvoir comtal).

En dépit de son succès à s’imposer comme une intermédiaire « incontournable » entre le pape et l’empereur puis entre ses deux gendres Henri IV (1050-1106) et Rodolphe de Souabe (1002-1080), la comtesse n’eut pas que des succès, inévitablement accablée par ses soucis familiaux, elle semble avoir été plus influente sur le côté italien des Alpes que sur le côté purement savoyard, ce qui ne l’empêcha pas de perdre la haute vallée de la Doire Ripaire au profit de la prometteuse famille d’Albon.

Certes saint Pierre Damien, l’actif légat pontifical grand défenseur des Humbertiens (1007-1072), la couvre d’éloges : « Toi, sans l’aide d’un roi, tu as soutenu le poids d’un royaume et c’est à toi qu’ont recouru ceux qui voulaient ajouter à leurs décisions le poids d’une sentence légale. Que Dieu tout puissant te bénisse toi et tes fils d’un titre royal… »  Il n’empêche qu’elle régla sa succession d’étrange manière, préférant laisser la Marche de Turin « à sa petite fille Agnès née de son fils aîné Pierre défunt, (plutôt qu’) à son petit fils Humbert II issu de son fils puiné, Amédée II, … Humbert II, grâce à cette querelle, descendit en Italie d’accord avec les Astesans, s’y maintint, prépara la revanche de sa race, mais ce ne fut qu’après de siècles d’efforts que ces princes , pour courageux, persévérants et habiles qu’ils fussent, parvinrent à reconquérir l’ancienne marche ardounique, considération qui paraît de nature à diminuer quelque peu la haute estime et l’enthousiasme que les historiens de la Maison de Savoue manifestent traditionnellement pour la grande comtesse dont le mari n’aurait été à leur dire qu’une sorte de prince consort et les fils des enfants sous tutelle quand il est constant que ce fut après la mort de ces princes qu’Adélaïde commit les fautes qu’on lui reproche » (C. Renaux).

On dit que fuyant la peste (?) ’elle mourut (seule ?) à Canischio, petit village montagneux du Canavese dans la vallée de l’Orco où elle fut enterrée dans l’église locale, à moins que ce ne fut au château de la Sala ou à l’église San Stefano. De celle qui semble avoir été si populaire en son temps et si mythique quant à sa beauté et à son énergie, il ne reste rien (en dépit de Costa qui indique qu’il y avait encore au XVIII° siècle des vestiges de sa sépulture) ou très peu de chose excepté une statue d’elle à la cathédrale Saint Just de Suse mais en dépit de l’inscription, la figurine paraît représenter plutôt la Vierge ou Marie-Madeleine au pied de la Croix.


  • CARUTTI : Umberto I° e il re Arduino. Rome, 1884 et 1888. (il a soutenu la thèse des trois mariages d’Adélaïde)
  • RENAUX C : Le marquis Odon de Savoie, fils d’Humbert I°, l’affaire du mariage. 1034. Chambéry 1909. ( Mémoires de l’Académie de Savoie. IV° série. Tome XI).
  • ARTIFONI E. ; La contessa Adelaide nella storia medievistica. Revue Segusium 1992.
  • Atti del convegno di Susa (14-16 novembre 1991) Suse 1992 (la contessa Adelaide e la societa del secolo 11).
  • NADA PADRONE A.M. : Le strutture del quotidiano nella valle di Susa al tempo di Adelaide. Segusium 1992. 32. 26 p. D.
  • GOBRY I.: Mathilde de Toscane. Paris. 2002
  • VALTER f. : l’ultimo segreto della contessa Adelaide. Turin . 2006

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