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135 – ANNE-MARIE d’ORLEANS (1669-1728)

duchesse de Savoie, reine de Sicile, reine de Sardaigne

« l’art de la soumission »

Portrait d'Anne-Marie d'Orléans dernière Duchesse et première Reine.
Portrait d'Anne-Marie d'Orléans dernière Duchesse et première Reine.

Elle était la fille de Philippe d’Orléans (1640-1701) et d’Henriette d’Angleterre (1644-1670) qui lui transmit en héritage l’aînesse de la succession royale britannique (tradition jacobite), ce qui ne fut pas sans importance sur la famille de Savoie.

Victor-Amédée II, sa femme et ses filles
Victor-Amédée II, sa femme et ses filles

Cette nièce de Louis XIV était d’une bonne nature car elle ne semble avoir tiré que des qualités (sic, discrétion, soumission, fidélité) de l’éducation qui lui fut donnée plutôt mal que bien (car sans réelle affection) par sa belle-mère, la célèbre princesse Palatine (1644-1670) avec laquelle son père s’était remarié en 1671.

Sa demi-sœur Elisabeth (1676-1744) épousera d’ailleurs en 1698 le duc de Lorraine, fils de ce même Charles V que la duchesse-mère Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours (105) avait failli épouser autrefois.

En 1684, Victor-Amédée II (1666-1732) lui demande expressément sa main pour échapper à sa mère (105) fort hostile à ce mariage qui même français n’entrait pas dans sa politique. Cette manœuvre du jeune duc marque d’ailleurs solennellement la rupture entre le fils et sa mère pourtant très favorable à l’influence française (on put même craindre que Louvois provoquât une intervention militaire française depuis Pignerol ou Casale afin de soutenir les prétentions de la duchesse-mère, mais en fait elle-ci n’osa aller si loin et finalement s’inclina devant un fils dont elle ne soupçonnait pas encore la vivacité et l’indépendance d’esprit.

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La basilique de la Superga à Turin - le Saint-Denis de la famille Royale au XVIII°s et XIX°s. Oeuvre de Juvarra en commémoration du voeux de Victor Amédée II en 1706.

Louis XIV ne put que s’incliner devant une telle prétention qui allait à l’encontre de ses propres ambitions mais qui en apparence sembler révéler (encore) les bonnes relations apparentes entre Versailles et Turin d’où la lettre du roi à son cher cousin piémontais : » l’amitié que je porte au duc de Savoie ne peut être plus grande mais ce que nous venons de faire augmente encore nos liens de parenté… » Le jeune duc vint donc chercher son épouse au Pont de Beauvoisin, avant de l’épouser à Chambéry en mai 1684 et de rejoindre Turin où « Madame (mère) royale » (vint les accueillir « suivie de tout ce qu’il y avait d’hommes et de femmes de qualité auprès de sa personne ».

Un autre intérêt de la jeune souveraine consiste dans l’héritage reçu de sa mère des droits de la maison d’Orléans à la succession anglaise.

Certes en 1690, son mari lui donne le charmant petit château d’été qui aux portes de Turin, appartenait jusqu’alors à sa cousine Ludovica (101 A) veuve de l’ex-cardinal Maurice de Savoie) et qui en revenant à la jeune souveraine prit le nom de « Vigne de la Reine ». Néanmoins elle mit du temps à avoir un fils né seulement en 1699, ce qui désespéra son mari, pourtant ses deux premières filles charmantes et vives lui donnèrent pleine satisfaction mais hélas, il fallut s’en séparer ! les deux sœurs épousèrent leurs cousins, les deux frères petits fils de Louis XIV. Adélaïde (136) devenait duchesse de Bourgogne promise au trône de France alors que Marie-Christine (137) devenait duchesse d’Anjou et finalement reine d’Espagne.

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Arrivée en 1684 au palais du Turin de cortège nuptial de Victor Amédée II et de Anne d'Orléans.

La pauvre souveraine déjà peu heureuse en mariage, connut au début du siècle une série de catastrophes qui la brisèrent définitivement, d’abord la grande invasion française de 1707 qui l’obligea à fuir devant ses compatriotes et son propre frère Philippe d’Orléans (le futur régent), puis les décès successifs de ses filles à Versailles (en 1712) et à Madrid (en 1714) et enfin en 1715 la disparition de son fils aîné, le prince de Piémont qui rendit encore plus violent et irrémédiable l’antagonisme entre son mari et son second fils et nouvel héritier Charles-Emmanuel (III).

Certes en 1713, elle part en grande pompe à Palerme pour accompagner son époux qui vient prendre possession de son nouveau royaume, ce qui lui vaudra un couronnement solennel et un séjour délicieux mais combien amer puisqu’il faut revenir sur instructions des grandes puissances dont la France représentée par son propre frère, le régent) qui reprennent la Sicile en la compensant par le piètre cadeau de la misérable Sardaigne où bien entendu le couple royal ne mettra jamais les pieds …

Elle meurt tristement, solitairement et pieusement en 1724 (peu de temps après sa belle-mère) oubliée depuis longtemps par son mari qui s’intéresse activement à la comtesse de Spigno (137 A) qu’il épousera peu après …

105,136, 137, 138,