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154 – MARIE-FRANCE-ELISABETH DE SAVOIE (1800-1856)

Archiduchesse d’Autriche, vice reine de Lombardie Vénétie.

Mal élevée, mal mariée, oubliée par l'histoire. "les ambiguités des branches cadettes".

MARIE-FRANCE-ELISABETH DE SAVOIE
MARIE-FRANCE-ELISABETH DE SAVOIE (1800-1856)

Fille de Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan (1770-1800) et de Marie-Christine de Saxe {133} (1770-1851), appelée parfois Marie-Albertine de Courlande, sœur du roi Charles-Albert de Sardaigne (1798-1849). Elle est la tante et belle-mère de Victor-Emmanuel II, le premier roi de l'Italie unie.

Elevée par sa mère restée veuve au moment même de sa naissance, elle se voit après 1814 emmenée par celle-ci en Autriche et en Saxe en dépit des protestations du roi Victor-Emmanuel Ier de Savoie qui entend l’installer à Turin à côté de son frère.

Archiduc Rainier de Habsbourg

Or on commence à causer de plus en plus dans les cours européennes du cas de l’archiduc Rainier de Habsbourg (1783-1853) fils de l’empereur Léopold alors grand-duc de Toscane, frère de l’empereur François et du duc Ferdinand III de Toscane donc beau-frère de la reine Marie-Thérèse de Modène-Este {147} et oncle de la reine Marie-Thérèse de Toscane {153}. Il avait été nommé vice-roi de Lombardie-Vénétie en 1818. Ses amis le considéraient comme affable et intelligent alors que ses ennemis dénonçaient son avarice et son esprit assez borné, de toutes les façons ce n’était pas une charge facile d’où la nécessité de le marier d’autant qu’il en avait de plus en plus envie ce qui faisait dire à Metternich qu’il était prêt même à  "épouser un canapé".

Pourquoi ne pas le marier avec la jeune Elisabeth poussée par sa famille de Saxe toute contente de trouver là un moyen pour sortir de l’ isolement où l’avait poussée le congrès de Vienne furieux de son alliance et de sa fidélité à Napoléon (?) Encore fallut-il éloigner bien des prétendants, comme l’ex-roi d’ Etrurie, son cousin Lobkowitz ou même le roi Guillaume de Wurtemberg veuf d’une sœur du tsar, mais très vite écarté par Metternich pour son indépendance d’esprit et soi disant pour son protestantisme irréductible (au grand regret d’Elisabeth qui l’avait tout de suite apprécié). Le mariage eut donc lieu à Prague en 1820 (symboliquement placée entre Vienne et Dresde) en l’absence remarquée de sa mère (très déçue de ne pas voir sa fille monter sur un vrai trône royal, mais on calma vite sa réticence par l’octroi d’un titre princier autrichien à son mari). Son frère Charles-Albert, lui aussi absent, qui pourtant ne la connaissant pas, eut pu trouver là un bon moyen de renouer des liens avec elle, mais pour le moment très lié aux carbonari très antiautrichiens il ne pouvait apparaître trop servile envers la puissance occupante de l’Italie. Enfin le roi Victor-Emmanuel qui, de  plus en plus autoritaire, ne pouvait supporter les initiatives qui lui échappaient, s’était tout de suite déclaré, lui aussi, absent. Metternich rapporte dans ses Mémoires : « Le mariage de l’archiduc avec la princesse de Carignan a eu lieu aujourdhui. La fiancée est merveilleusement belle, elle a une demi tête de plus que moi, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une jolie tournure. La tête a une expression de noblesse remarquable, elle a des yeux longs et langoureux, le nez petit et finement découpé. Sa bouche est bien faite et cache les plus belle dents que j’ai jamais vues et pourtant malgré toutes ces perfections extérieures, je trouve qu’une aussi grande dame manque de charme ... »

L’installation du jeune couple à Milan fut à la fois solennelle mais perdue dans l’actualité des premiers sursauts libéraux en Italie du sud puis des révolutions qui suivirent (en particulier à Turin, où Charles-Albert fut sévèrement compromis), des congrès internationaux des gouvernements européens à Laybach et à Vérone. En mars 182, dans la crainte d’une révolution à Milan, le vice-roi se retire avec son épouse à Brescia mais la situation se rétablit et l’on put croire à la possibilité d’une période de tranquillité. Le couple vice-royal a cinq enfants de 1821 à 1827 et se passionne pour les sociétés savantes, pour la musique et pour les spectacles de la Scala, alternant la vie simple de la villa du Pizzo (sur le lac de Côme) avec les incessantes cérémonies organisées pour les illustres visiteurs de passage à Milan à moins que ce ne fut pour eux mêmes dans leurs voyages réguliers à Venise et dans les autres métropoles d’Italie du nord. Certes tout cela se déroule dans un arrière-fond de conspirations et de répression où le vice-roi alterne la générosité (ainsi envers le comte Confalonieri en 1821) et la sévérité (ainsi son indifférence envers Sivio Pellico ou même son opposition aux amnisties du gouvernement viennois jugé bien trop généreux)… . Elisabeth ne peut aussi que se réjouir du rapprochement austro-sarde surtout après 1830 qui lui permet de retrouver enfin son frère avec lequel elle n’avait jamais eu beaucoup de relations depuis sa jeunesse. En 1835 la célébration solennelle du mariage du nouvel empereur Ferdinand avec Anne de Savoie {149}, fille de Victor-Emmanuel parut marquer la réconciliation de la famille de Savoie avec Elisabeth qui joua un rôle parfait de maîtresse de maison et d’organisatrice des cérémonies, enfin l’entente fut solennellement consacrée à Turin en 1842 par le mariage de la jeune Adélaïde {155} fille du couple du vice-roi avec son cousin germain Victor-Emmanuel. 

Cependant les temps changeaient rapidement, la vice-reine eut à subir des affronts de plus en plus nombreux de la part de la noblesse lombarde, les témoignages la montrent alternant l’amabilité et la grâce mais aussi l’intransigeance et la raideur. L’inquiétude de janvier 1848 devient affolement en mars à la nouvelle de la révolution de Vienne conjointe à celle de Milan. Le couple se retire avec ses enfants à Brescia, Lodi, Mantoue et enfin au Tyrol sans comprendre les causes d’un tel drame ni celle de la « trahison » de Charles Albert devenu l’ennemi juré du royaume lombard-vénitien. On se fixe enfin tristement à Bolzano symboliquement bien situé à la frontière des mondes germanique et italien, c’est là que Ranieri meurt en janvier 1853 (sa fille Adélaïde {155} devenue reine de Sardaigne, arriva trop tard à la cérémonie) début d’une série de catastrophes pour la pauvre Elisabeth avec les morts successives en deux ans de son frère, de sa mère et enfin de sa fille. Il ne lui resta plus qu’à mourir elle-même le jour de Noël 1856 et c’est presque dans l’indifférence générale (même de sa propre famille) qu’elle fut enterrée à Trente. Il n’est pas bon de se trouver à la charnière d’époques aussi radicalement différentes (et encore eut-elle la chance de ne pas assister à la disparition en 1859 de cet Etat lombardo-vénitien auquel elle avait cru se consacrer…


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