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159 – MARGUERITE DE SAVOIE-GENES (1851-1926)

Première reine d’Italie, "Une grande souveraine", épouse du roi Humbert I°.

noces humbert Marguerite
Du fait de la réticence du peuple, on pense se contenter des relations entre les deux cousins.

Petite-fille de Charles-Albert et de la reine Marie-Thérèse, (153) cousine de la reine Marie-Adélaïde sa belle-mère (155) et elle-même -, belle-mère de la reine Hélène (160)

159 Marguerite
Une grande Reine, trompée par son mari qui pourtant l'a bien utilisée.

Fille de Ferdinand (1822-1855) duc de Gênes, fils du roi Charles-Albert et frère du roi Victor-Emmanuel II (1820-1879), elle se retrouve orpheline de père à l’âge de 4 ans, élevée loin de la cour par sa seule mère Elisabeth de Saxe (166) (1830-1912) avec son frère, Thomas duc de Gênes (1855-1931) .

159 marguerite d'Italie jpg
La Reine mère convertie à l'autorité et au conservatrice.

Elle a failli épouser Charles (Carol) de Roumanie (1839-1914) qui en fait va se rattraper en 1869 avec Hélène de Wied (plus connue sous son nom d’écrivain Carmen Sylva, 1843-1916), elle épouse néanmoins son cousin germain, Humbert (1844-1900) à Turin en 1868. En délicatesse avec le pape, Victor-Emmanuel ne pouvait espérer trouver une princesse de sang royal dans les familles princières catholiques et bien sûr il n’était pas possible d’aggraver le conflit avec Rome en choisissant une princesse protestante, donc faute de mieux on resta « en famille », le sacrifice d’un mariage entre cousins germains n’étant pas après tout si inhabituel (le prince Humbert en était un pur produit puisque son père Victor-Emmanuel avait déjà épousé sa cousine Marie-Adélaïde (155) et son oncle Amédée d’Aoste avait épousé sa propre nièce.(169) Un an après naît Victor-Emmanuel III, (1878-1946) l’unique enfant du couple, ce qui fit longtemps craindre pour l’avenir de la dynastie alors que la famille de Savoie-Aoste s’épanouissait (le duc d’Aoste, Victor-Amédée frère du roi n’avait-il pas quatre enfants ?)

La nouvelle souveraine était une femme gracieuse, vive, très cultivée, très musicienne, passionnée d’art et de littérature, ce qui explique son plaisir à fréquenter l’élite intellectuelle et culturelle du pays bien plus que la noblesse (d’autant que les familles « noires » (partisanes du pape) la boudent ostensiblement) ou les milieux de l’armée ou de la haute administration qu’elle méprise superbement. Ainsi la verra t-on fort liée à Benedetto Croce, au poète Carducci puis avec Gabriele d’Annunzio.

Sitôt après son avènement au trône en 1879, le couple royal va se faire connaître par un grand voyage en Italie (où le nouveau roi manque d’ailleurs d’être assassiné par un anarchiste), mais il n’empêche qu’il faut de toutes les façons s’installer définitivement au Quirinal qui ne leur plait guère et qui ne les empêche pas d’aller périodiquement se consoler à Turin ou à Naples (où le couple qui a reçu le titre de « prince de Naples » a vécu après 1870).

Le couple royal pose la grave question de ses fondements car la maîtresse du roi (la comtesse Litta) est de notoriété publique mais il n’empêche que Marguerite restera toute sa vie fidèle à la fonction royale de son époux trouvant dans sa fonction publique de reine brillante et consciente de ses devoirs et dans sa fonction toute privée de mère vigilante, l’allure à la fois morale et dévouée qui fera sa célébrité (rappelons ici la savoureuse passion de la reine pour ses immenses colliers offerts périodiquement par son mari pour se faire pardonner ses propres « trahisons »)

Eugenia Attendolo Bolognini (1838-1914)
Eugenia Attendolo Bolognini (1838-1914), comtesse LItta. La maitresse presque officielle du roi Humbert était une personnalité peu courante dans la Maison de Savoie.

Passionnée de culture, la reine semble ne guère s’intéresser à la politique mais très vite elle s’affirme obsédée d’autorité autant pour étayer le nouvel Etat que la situation de son couple, ce qui explique son ralliement à Crispi et à sa politique (plus qu’à sa personnalité). Certes elle n’oublie pas ses devoirs et la cour a enfin une reine éprise de luxe, de solennités et de festivités, ce qui ne s’était pas vu depuis des générations pour le plus grand plaisir du peuple ravi de tels spectacles (donnant au palais royal une splendeur et une mondanité dont la famille de Savoie n’avait vraiment pas l’habitude) ce qui ne l’empêche pas de se montrer à la hauteur de situations plus tragiques ainsi lors du choléra de Naples en 1884. C’est d’ailleurs dans cette crainte permanente d’un dérèglement du système étatique (qu’il soit directement ou non menaçant pour le couple royal) qu’elle approuve presque publiquement les mesures répressives contre les désordres politiques et sociaux. Cette sévérité va d’ailleurs être fatale au couple puisque c’est pour venger les morts victimes de la répression de l’insurrection de Milan que l’anarchiste Bresi va tuer le roi à Monza en août 1900.

Elle reste donc encore veuve et puissante durant 25 ans, nouvelle situation jamais vue dans la famille depuis Christine de France d’autant qu’elle est–elle aussi très influente sur son fils Victor-Emmanuel si jeune (il n’a que 22 ans), si fragile (dans son quasi rachitisme) et sa belle-fille Hélène si « innocente » (160) quelle différence entre Cettigné la modeste capitale du Montenegro dont elle est originaire et la splendeur romaine !) c’est elle qui a inspiré leur mariage en 1896 et elle entend bien ne pas les laisser « s’égarer » ou oublier les nécessités de l’époque (surtout devant la montée du péril des « rouges »).

 

Le roi Victor-Emmanuel III avec sa mère et la princesse Yolande.
Le roi Victor-Emmanuel III avec sa mère et la princesse Yolande. La famille de Savoie retrouve espoir avec le jeune couple royal et la toute jeune princesse.

Après la guerre de 1915-1918 à laquelle, elle fut favorable, elle se retire définitivement à Bordighera sur la côte ligure où elle affiche tout de suite et ostensiblement sa faveur pour les mouvements fascistes qui le lui rendent bien d’ailleurs. Ainsi c’est elle qui lors de la marche sur Rome, va tout de suite pousser le roi à reconnaître la puissance de Mussolini d’autant qu’elle entend bien ne pas laisser aux Aoste le privilège de l’amitié avec le nouveau chef du pays. C’est dans la même perspective de défense de l’ordre et de la tradition qu’elle soutient le mariage de sa petite fille Mafalda (163) avec Philippe de Hesse connu lui aussi pour son intérêt envers le tout nouveau parti nazi, que ne ferait-on pas en effet pour éviter le péril rouge ? Il est loin le temps de la jeune Marguerite d’autrefois moderne et sensible devenue une vieille dame raide et sectaire, obsédée d’autorité et de « rang », d’où sa fureur devant la « mésalliance » de sa petite-fille Yolande, d’où son mépris pour sa belle-fille « sortie » du Montenegro c’est à dire de "rien", d’où sa faveur pour son neveu par alliance Philippe de Hesse dont elle reçoit le mariage en grande pompe avec Mafalda à Racconigi, dernière manifestation de son « rang » où triomphnte elle reçoit Mussolini déguisé pour l’occasion en « notaire royal » Dans ces conditions, elle participe donc triomphante quoique déjà bien affaiblie au mariage à Racconigi des deux tourtereaux, en présence de Mussolini déguisé pour l’occasion en notaire royal, dernier bonheur avant sa mort survenue peu de temps après en 1926. Elle rejoint alors en grande pompe son mari et son beau- père au Panthéon de Rome qui ne reverra jamais d’autre pompe royale. Victor-Emmanuel pouvait se considérer libre de la contrainte maternelle mais ce n’était qu’un répit avant la dictature mussolinienne.

La gloire et l’histoire font parfois passer par bien des détours surprenants. La reine Marguerite est maintenant surtout connue par le gâteau « Panforte Margherita » qu’elle mangea à Sienne en 1879, par le refuge du Mont Rose qu’elle escalada en 1883 (enfin une princesse passionnée de montagne sous l’influence de son neveu le duc des Abruzzes qui la convertit à l’alpinisme) et par la pizza qu’elle mangea à Naples en 1889 (les tomates, la mozarella et le basilic faisant les trois couleurs du drapeau italien).

Très admirée par les uns pour sa beauté, pour son dynamisme, pour sa fidélité familiale (envers son mari, envers sa propre famille des Savoie-Gênes, envers ses neveux Aoste) elle a été fort critiquée par les autres pour son autoritarisme idéologique et caractériel, elle paraît actuellement en dehors des intérêts historiques en cours… .


  • BONDIOLI D’OSIO Mario: La giovinezza di Vittorio Emmanuelle III. Lettere fra la regina Margherita e Mazrco Minghetti. 1882-1886. Rome. 1955 
  • BRACALINI Romano La regina Margherita Milan 1983
  • CASALEGNO Carlo : La regina Margherita, Turin 1956- Milan 2001.
  • LUPINACCI Manlio La Regina Margherita, Le lettere Florence 2008.