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G) Les Savoie-Carignan XVII°-XIX°s (121-134)

château de Racconigi
château de Racconigi (Piemont)

I - Généralités

La famille Carignan est la seule branche cadette de la Maison de Savoie à avoir pleinement réussi puisqu’elle est parvenue à ses fins, c’est à dire accéder au trône en 1831 (par hasard certes mais en satisfaction d’un désir remontant juste à deux siècles auparavant, promotion à laquelle les autres branches ( Vaud, Achaie, Tende, Nemours, Aoste) n’ont pu arriver …

A la différence de son père et même de son grand père, Charles-Emmanuel I° s’est caractérisé par une nombreuse famille (légitime et illégitime) , il s’attacha tout particulièrement à son fils Thomas fort d’un esprit actif et plein d’initiatives auquel il fit don en 1620 du fief de Carignan (au sud de Turin) et qu’il envoya en dépit de son jeune âge comme ambassadeur à Paris pour négocier le mariage de son frère ainé ( victor-Amédée -1°- avec  Christine la soeur du jeune roi Louis XIII . C’est à l'occasion de cette mission  que le jeune prince  se lia avec une héritière de la grande famille des Bourbon rattachée à la famille royale mais notons que Marie de Bourbon était née Montafié d’une grande famille piémontaise justement installée à Carignan. Ce mariage fut décisif car Marie  (1606-1692) allait diriger la famille Carignan pendant presque tout le siècle. Elle eut aussi l’intérêt de rattacher la famille naissante des Carignan à la famille de Savoie-Nemours en voie d’extinction puisqu’elle était la propre sœur de Anne-Marie d’Orléans-Longueville dernière duchesse de Savoie-Nemours….

 La famille originelle et originale

Tout s'envenima en 1637 avec la mort du duc Victor Amédée I° et l'accession de la veuve de ce dernier comme régente de son fils encore bien jeune ce que le prince Thomas admit fort mal  comme n'entrant pas dans la tradition de la famille de Savoie. La tension grandit progressivement entre Thomas suivi par l'Espagne et  de tous ses frères  et  Christine (de France)  soutenue bien sûr par  son  royal frère et surtout par Richelieu. On passa très vite à Turin de la réticence à la résistance , révolte imprégnée d’esprit nobiliaire qui anticipe à Turin la fronde parisienne de 1648. Prudente, Christine dut quitter le Piémont et se réfugier en Savoie jugée plus fidèle Officiellement elle se jetait dans la gueule du loup français mais la situation se calma avec la mort de Louis XIII et de Richelieu d'autant que Mazarin se voulait plus accommodant. C’est un corps français déjà installé en Piémont qui « reconquit » la province et permit à la duchesse d’y revenir pour traiter enfin avec sa belle-famille.

En 1642 au prix du pardon de la souveraine, Monseigneur Maurice de Carignan (fils de Charles Emmanuel I (1593-1657), quitte la prêtrise pour épouser sa jeune nièce Louise-Christine (101bis/ 1627-1687) la propre fille de Thomas  pourtant  bien plus jeune que lui , ce qui lui vaudra de passer gouverneur de Nice et prince d’Oneglia. Quant à Thomas, il passa gouverneur d’Ivrée ( ayant été gouverneur de Savoie, il connaissait la fonction même s’il ne s’y intéressa guère) en tous les cas rompant avec ses alliés espagnols, il revint au camp français , apportant à Mazarin l’aide puis l’intégration de son régiment particulier ( qui prit le nom de Carignan- Sallières) . Prudent néanmoins il revint vivre à Paris où il s’installa dans l’hôtel de sa femme, devenu le célèbre hôtel de Soissons puisque Marie avait hérité de son frère le comté de Soissons qui devint le titre principal de son fils cadet. Passant en fait au service français, Thomas prudemment ne prit aucune part à la Fronde, préférant faire campagne en Flandre et surtout en Piémont pour aider officiellement Christine et ses enfants.

A sa mort en 1656, Thomas laissa à son épouse une fille Louise-Christine de Carignan  (122 / 1627-1689) un fils aîné Emmanuel-Philibert (1628- 1709, 2° prince de Carignan) et un cadet Eugène Maurice (1633-1673, I°comte de Soissons).

Louise-Christine de Savoie  ( fille de Christine  et d'Amédée I° (101bis 1629-1692) Jeune idole du « tout Paris «  épousa François-Maximilien prince de Bade, (1625-1669) qu’elle lia à sa vie mondaine parisienne , mais l’arrivée d’un fils en 1655 accentua la fureur du margrave son beau père, qui obligea son fils à revenir au pays et qui favorisa aussi l’ enlèvement du petit Louis-Guillaume ( 1655 -17O7) . Louise-Christine resta seule à Paris et ne revit jamais son mari ni son fils que l’on regretta d’autant plus qu’ils firent tous deux de brillantes carrières dans les armées Habsbourg.


II - Les Soissons ( la tentation des femmes et des Habsbourg) - (121 - 125)

Eugéne-Maurice de Carignan (1633-1673) fut au demeurant un homme sérieux était néanmoins sans grande personnalité ni intelligence, gouverneur de la Champagne et du Bourbonnais, ambassadeur à Londres , officier valeureux, colonel des Suisses, il mourut jeune à 40 ans en Westphalie Il fut fort seulement de son mariage avec Olympe Mancini (1639-1708), la belle et active nièce du cardinal Mazarin , célèbre pour avoir été comme sa sœur Marie, une des premières affection amoureuse (malheureuses bien sûr) du jeune Louis XV . Active, affairiste, sensuelle elle eut certes les faveurs de la cour mais ses intrigues accentuées encore par son veuvage la firent accuser d’avoir participé à la célèbre « affaire des Poisons «  en empoisonnant l’ex-amie du roi, Louise de la Vallière, mais aussi son propre mari et pourquoi pas la propre belle-sœur de Louis XIV, Henriette d’Orléans Prudente elle s’exila à Bruxelles en 1680 passant dès lors presque les trente dernières années de sa vie à voyager et à intriguer .

Ce curieux ménage n’en eut pas moins de huit enfants laissés de fait à leur sort ( ou ) aux soins de leur grand-mère Carignan-Bourbon. Trois garçons et trois filles eurent de médiocres destinée ( nuançons pour le « chevalier de Savoie » Philippe qui , à 20 ans, assassina un amant de sa tante Hortense Mancini ) à la différence de leurs frères Eugéne et Louis-Thomas.

Nous ne nous attarderons pas trop ici sur le célèbre « prince Eugène « ( 1663-1736) maintes fois décrit et célébré. Retenons cependant que refusant de devenir prêtre comme l’y pressait Louis XIV et se vexant de voir le roi si peu soutenir son ambition militaire , il quitta la France (au moment même où éclatait le scandale de sa mère) pour rejoindre son oncle et son cousin de Bade dans le camp Habsbourg où il se fit rapidement remarquer dès 1683 en défendant Vienne contre les Turcs. Chef de guerre actif, valeureux et tenace, grimpant progressivement dans la hiérarchie militaire habsbourg, on le voit pendant une quarantaine d’années lutter contre les Français (en Allemagne du Sud avec le duc de Malborough pour s’imposer à la célèbre bataille de Blenheim en 1704 ou en Piémont en 1706 à Turin pour défendre son cousin Victor-Amédée II ) mais aussi contre les Turcs auxquels il reprend la Hongrie , Belgrade et la Serbie ce qui lui valut bien sûr d’un côté la reconnaissance des Hongrois ainsi « libérés » mais aussi leur amertume de se voir tombés malgré eux sous la domination habsbourg…. . Passionné d’art , devenu tout puissant mais toujours discret sur lui-même , Eugène fut une des figures européennes les plus célèbres de son époque dont la France ne cesse de regretter l’exil ( dénonçant l’erreur fatale du mépris de Louis XIV ou au contraire selon d’autres la « trahison » de cet « aventurier » ) .Cette complexité explique largement la richesse de l'historiographie de ce grand personnage : était-il ou non homosexuel ? eut-il conscience d'être un défenseur des Habsbourg ou un nouveau croisé conscient de la "libération" de l'Europe centrale ?

Eugéne avait été rejoint dans son « transfert » par son frère aîné, le second comte de Soissons, Louis-Thomas (1657-1702) que Saint-Simon nous décrit méchamment : «  C'était un homme de peu de génie, fort adonné à ses plaisirs, panier percé qui empruntait volontiers et ne rendait guère. Sa naissance le mettait en bonne compagnie, son goût en mauvaise. À vingt-cinq ans (en 1682), amoureux fou de la fille bâtarde de La Cropte-Beauvais,(1655-1717) écuyer de M. Prince (de Condé) le héros, il l'épousa au désespoir de la princesse de Carignan, sa grand'mère, et de toute sa parenté. Elle était belle comme le plus beau jour, et vertueuse, brune, avec ces grands traits qu'on peint aux sultanes et à ces beautés romaines, grande, l'air noble, doux, engageant, avec peu ou point d'esprit. Elle surprit à la cour par l'éclat de ses charmes qui firent en quelque manière pardonner presque au comte de Soissons; l'un et l'autre doux et fort polis.


.On a vu en son temps comment le comte de Soissons était sorti de France, et comment il avait été rebuté partout où il avait offert ses services. Ne sachant plus où donner de la tête, il eut recours à son cadet le prince Eugène et à son cousin le prince Louis de Bade, qui le firent entrer au service de l'empereur, où il fut tué presque aussitôt après. Sa femme, qui fut inconsolable et qui était encore belle à surprendre, se retira en Savoie ( ?????) dans un couvent éloigné de Turin où M. de Savoie enfin voulut bien la souffrir. Leurs enfants, dont le prince Eugène voulait faire les siens, sont tous morts à la fleur de leur âge, en sorte que le prince Eugène, qui avait deux abbayes et n'a point été marié, a fini cette branche « 

Louis-Thomas eut en fait deux enfants passés eux aussi à Vienne près de leur oncle. Un fils Emmanuel (1687-1729) 3° et dernier comte de Soissons épousa la richissime Marie-Thérèse de Liechtenstein mais cette union courte suivie d’un héritier décédé lui aussi jeune et sans enfant clôtura la branche des Carignan-Soissons. Victoire, sa sœur (1683-1763) elle aussi n’eut pas d’héritier, célèbre par son mauvais caractère, elle a 55 ans quand en 1738 elle épouse un lieutenant de son oncle : Frédéric de Saxe-Hildurghausen, de 19 ans son cadet, qui lorgnait de fait l’énorme fortune transmise par  le prince Eugène  à sa nièce et seule héritière. Rien ne se déroula comme convenu car le couple se sépara en 1752 n’ayant rien gardé du grand général puisque l’empereur Léopold se fit « restituer » ses châteaux et ses livres, le reste ( les tableaux et dessins ) passant à Turin aux mains du roi Charles-Emmanuel III et actuellement à la galleria Sabauda)


  1. (MARIE DE BOURBON-SOISSONS ,

princesse de Carignan   (16O6-1692)

 

Marie était la fille du second mariage du prince du sang, ’Henri II d’’Orléans-Longueville ( 1596-1663)») avec

Anne-Geneviève de Bourbon-Soissons (1617-1679) , sœur du grand Condé, cousine de la première épouse de son vieux mari , qui «  sous le nom de Mme de Longueville a fait tant de bruit dans le monde, et tant figuré dans la minorité de Louis XIV. «  ( Saint-Simon) Anne était l’arrière-petille-fille du connétable Anne de Montmorency (donc liée à la famille des Savoie-Tende, connue surtout pour avoir été la maîtresse de François de La Rochefoucauld , l’auteur des « Maximes »

Marie était aussi la demi-sœur de Anne-Marie d’Orléans-Longueville,(111) fille du premier mariage de son père et dernière princesse de Savoie-Nemours avec qui elle entretint des relations chaotiques du fait des donations de cette dernière (sans enfants) aux frères de Marie, en particulier Louis de Soissons et surtout au fils de ce dernier le « bâtard » Louis-Henri de Bourbon, au détriment du reste de la famille.

En 1625, Marie de Bourbon- Soissons épouse  Thomas de Carignan (1596-1658) fils cadet du duc Charles-Emmanuel venu à Paris représenter son père, Son époux essaya vainement de l’installer à Turin (et même à Madrid) mais elle n’en finit pas moins sa longue vie en France comme sa sœur

Par les Longueville, les Carignan se retrouvaient ainsi liés dès leurs origines avec les Nemours en voie d’extinction

Marie était un des meilleurs partis de la cour de France, Son père Charles de Bourbon-Condé ( 1566-1612) était prince du sang, comte de Soissons et de Dreux, gouverneur du Dauphiné et de Normandie, il avait épousé Anne de Montafie issue d’une noble famille piémontaise qui servit certainement d’intermédiaire entre les Bourbon et les Carignan lors de l’occupation du Piémont sous Henri II . Par sa grand mère et par sa sœur, Marie était étroitement liée aux Bourbon-Condé et aux Orléans-Longueville ( dont Agnès de Savoie avait été à l’origine, cf 78) et par ces derniers aux Savoie-Nemours ( avec Charlotte -106 et Anne-Marie -111) et en plus une de ses tantes était une Lorraine-Guise. Bref l’union était bien montée d’autant que Charles-Emmanuel I° continuait à se lier toujours davantage avec la maison de France .

Marie est d’abord destinée au couvent d’où on la sort pour épouser en 1625 Thomas de Carignan (1596-1658) neuvième fils de Charles-Emmanuel I°, frère du futur duc Victor-Amédée I° et du cardinal Maurice, alors ambassadeur de son père à Paris. Il s’agit alors de négocier une nouvelle alliance et le mariage de son frère, le prince héritier, avec la dernière fille de la reine Marie de Médicis… , bref un grand mariage à la hauteur de la diplomatie du duc de Savoie , de l’ambition de son fils et du souci de prestige des Bourbon.

Marie s’ installe à Turin où elle s’oppose rapidement par jalousie et par dépit à sa belle-sœur (et cousine) Christine de France , d’où un jeu serré d’intrigues et de manœuvres en faveur bien sûr de Thomas contre le prince héritier Victor-Amédée (futur Victor-Amédée I°) dont la disparition va accentuer les divisions de la cour de Savoie et en particulier du fait de la rupture officielle des Carignan avec la régente en 1638-39, ce qui l’amène à partir à Madrid chez les alliés espagnols de son mari, mais à y être bientôt sinon emprisonnée du moins « retenue » lorsque le versatile prince se rapproche de la France . Pas question pour Marie de cohabiter à Turin avec la duchesse Christine d’autant qu’elle vient d’hériter du comté de Soissons et à Paris du somptueux hôtel du même nom suite à la mort en 1641 de son frère le comte Louis de Soissons, le célèbre grand ennemi de Richelieu tué à la bataille de Sedan et qu’il fallait enfin profiter de la faveur royale ( Thomas ayant obtenu comme prix de son ralliement le droit prestigieux de passer protocolairement juste après les princes du sang ainsi que la charge de grand-maître de la Maison du Roi en remplacement des Condé punis pour être restés fidèles aux Espagnols) .

Du fait des incessantes absences de son époux ( mort en Piémont en 1658) elle apparaît rapidement comme une grande figure de la vie parisienne et une fois devenue veuve elle s’impose comme chef réel de la famille de ses enfants et petits enfants, non sans problème puisqu’elle accusait sa belle-fille Olympe (123) d’avoir empoisonné son mari et d’avoir abandonné ses enfants en souffrant aussi de la « trahison » de ses petits- fils Eugène et Louis-Guillaume ( 122)

Elle mit au monde quatre fils (deux eurent une descendance : Eugène-Maurice (I° comte de Carignan-Soissons , 1633-1673 cf 123) et Emmanuel-Philibert ( 2° prince de Carignan, 1628-1709, qui sourd et muet fut la grande angoisse de ses parents, cf 124 ) plus deux filles : Louise (122, qu’elle sut garder auprès d’elle ) et Christine morte en bas âge) .

Le passage ( ou la trahison) d’une partie de sa famille dans le camp habsbourg l’affecta bien sûr même si elle veilla à n’en point trop souffrir d’autant qu’elle finit sa vie alitée mais sans renoncer à ses réceptions «  laide mais de grande mine , de l’esprit, bonne femme, et tres libérale » ( Mme de Montpensier ) , » une grande santé qui tenait du prodige et toujours uniforme, toute sa tête, et beaucoup d’esprit , de grandeur et de considération …. » ( Saint-Simon) . Il n’empêche qu’elle mourut à 86 ans tristement et inévitablement désillusionnée car éloignée d’un de ses fils établi à Turin, en ayant enterré ses autres enfants sans tirer satisfaction de ceux qui lui restaient en fait et en droit.

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122/ LOUISE-CHRISTINE,(1627-1689) margrave de Bade

Fille de Thomas de Savoie-Carignan (l’intriguant beau-frère de Christine de France) et de Marie de Bourbon-Condé ( 121)

Devenue par la célébrité de ses parents une des plus jeunes idoles du « tout Paris » de la régence d’Anne d’Autriche, Louis-Christine épouse en 1653 à Paris François (Ferdinand) -Maximilien de Bade-Bade (1625-1669) fils et héritier du margrave Guillaume.I° de Bade Remarquons à ce propos l’importance des mariages « germaniques » des Savoie en ce milieu du XVII° siècle puisque quatre ans avant Louise-Christine, sa cousine Henriette-Adélaide avait épousé l’électeur de Bavière, ces deux alliances révélaient le génie de leur vrai inspirateur Mazarin qui, sut admirablement jouer en géopolitique mais aussi dans le souci d’équilibre et de parallélisme des branches familiales dans les clans qui le concernaient.

Le jeune couple fut initialement assez heureux et brillant au point que la jeune princesse ne put admettre de quitter la capitale du royaume de France (mais aussi sa mère -121- de plus en plus décidée à être le chef de la famille du fait des absences du prince Thomas ) et réussit même à en convaincre son mari.

La naissance d’un fils : Louis, en 1655 aggrava encore la crise car le margrave Guillaume, âgé et soucieux de sa succession, ne put admettre les absences et l’éloignement de ses héritiers d’où le scandale de la séparation des jeunes époux et de rapatriement presque forcé en Allemagne du bébé à peine âgé de trois ans par son père « médiocrement content de sa femme » . François-Ferdinand ne tira guère profit de son retour puisqu’il mourut en 1669 d’un accident de chasse à Heidelberg juste avant d’être intronisé à la tête de sa principauté.

Louise-Christine ne put récupérer son fils Louis-Guillaume de Bade-Bade ( 1655-1707) resté en Allemagne sous l’influence de sa grand-mère (en fait la seconde épouse du margrave Guillaume  mort en 1677 ) , elle n’en resta pas moins une grande figure parisienne liée à l’hôtel de Soissons de sa mère qu’elle précéda de trois ans dans la mort. Elle eut le temps de voir (de s’enorgueillir d’un côté mais aussi de regretter) les victoires de son mari et de son fils qui , sous l’influence de son neveu le prince Eugène, firent de belles carrières dans les armées Habsbourg ( surtout son fils dans la reconquête de la Hongrie en 1687-1689)


123 - OLYMPE MANCINI (1639-1708)

la fille de Michele Mancini et de Geronima Mazarini ( sœur du cardinal Mazarin) .avait été amenée en France en 1647 à l’invitation de son oncle et protecteur devenu bientôt de fait premier ministre à la mort de Richelieu….

sa sœur cadette Hortense (1646-1699) , considérée comme une des plus belles femmes de son siècle, s’était illustrée par son succès dans les cours européennes, Charles II d’Angleterre et Charles-Emmanuel II de Savoie la demandèrent en mariage mais le cardinal l’obligea à épouser en 1661 le duc de la Meilleraie , d’où ses fuites en 1668 puis en 1672 en Savoie où elle resta trois ans sous la protection de Charles-Emmanuel qui se garda bien néanmoins de l’inviter à Turin ( elle passa ensuite en Angleterre )

Forte de ses beaux et grands yeux, Olympe a été courtisée par Louis XIV mais Anne d’Autriche et le cardinal s’y opposent et la poussent en 1657 à se marier avec le prince Eugène-Maurice de Savoie-Carignan ( 1633-1673), certes le jeune époux n’a guère de personnalité mais fort de son amitié (et de sa passivité) avec le roi, il reçoit en 1662 le duché-pairie d’Ivoy en Ardennes rebaptisé Carignan et devient successivement gouverneur du Bourbonnais, de Champagne et ambassadeur à Londres avant de passer dans l’armée ce qui ne lui réussit guère puisqu’il meurt bientôt en Westphalie en 1673

il avait eu le temps de donner à sa femme cinq enfants ( cinq garçons) Louis (que l’on a considéré comme un fils naturel de Louis XIV, 1657-1702) , Louis- Jules ( dit « le chevalier de Savoie  ou de Soissons »1660-1683) , Emmanuel-Philibert « le comte de Dreux » 1662-1676) , Eugène (le généralissime au service des Habsbourg, 1663-1736) et Philippe (1659-1693, qui s’illustra en tuant en duel le baron de Banier, l’amant suédois de sa tante Hortense en 1683 ).

Même mariée, Olympe fut très jalouse de la passion de Louis XIV pour sa sœur Marie en 1658, mais elle ne partagea pas sa disgrâce et resta en France pour mieux tomber néanmoins dans les intrigues de la cour (d’où son appui puis son hostilité à Louise de la Vallière et enfin sa mystérieuse participation éventuelle à l’affaire des poisons en 1679 avec la rumeur qu’elle avait empoisonné son mari en 1673. Le scandale provoque en 1680 son exil qui l’amène successivement dans les Pays Bas mais aussi en Espagne et en Angleterre toujours passionnée, toujours active, toujours affairée jusqu’à sa mort survenue finalement à Bruxelles loin des siens en 1708

Olympe marque la fin de l’éclat parisien des Carignan. Eugène quitte la France presque au moment même de l’exil de sa mère en 1680-83 emmenant dans sa suite ses frères Philippe et Louis-Jules mais aussi son oncle et son cousin de Bade.


124 - ANGELA-MARIA - CATERINA D’ ESTE-MODENE ( 1656- 1722), princesse de Carignan

Elle est  la fille de Borso (1605-1657) cadet de la famille ducale de Modène qui avait épousé sa cousine Hyppolite d’Este (1620-1656)

Elle épouse en 1684 Emmanuel-Philibert , 2° prince de Carignan (1628-1709),. Comment et pourquoi cette union avec un homme sourd et muet  bien plus âgé qu’elle ? Certes Emmanuel-Philibert se devait de s’établir à Turin pour y garantir les biens des Carignan mais normalement il n’avait dans sa situation guère de possibilité d’y trouver une épouse alors que son cousin Victor-Amédée II prince régnant n’avait pas encore d’enfant .

Ce mariage attira sur le « jeune ménage » les foudres de Louis XIV désireux de trouver un parti français à son cousin d’où l’obligation pour le couple sous le nom de marquis de la Chambre, de se retirer à Bologne et faire ensuite acte de soumission au roi de France pour revenir à Turin . Durant le siège de 1706, il fut tenu prisonnier par les Français et c’est sous la seule protection du duc de la Feuillade qu’il obtint de se retirer dans son château « rural » de Racconigi.

Emmanuel-Philibert était sourd et muet, ce qui avait beaucoup ému l’opinion à sa naissance même si sa mère Marie de Bourbon (121) avait réussi à lui faire apprendre à Madrid la technique de lire sur les lèvres de ses interlocuteurs. En dépit de son infirmité, le prince était intelligent, bien éduqué et passionné d’art ( c’est lui qui confia à l’architecte Guarino Guarini la construction du nouveau palais familial de Turin et le réaménagement de Racconigi )

En 1709, Angela resta donc veuve avec quatre enfants dont Victor-Amédée le 3° prince, Marie-Victoire ( 1687- 1763 qui épouse en 1721 Giuseppe Malabalia comte de Cercenasco) ; Isabelle-Louise qui eut trois mariage successifs (A Raparelli di Lagnasco, E. Cambiano di Ruffia et C. Bandrate de San Giorgio) , mais toujours active elle se retira avec ses enfants à Bologne, pour bien marquer sa volonté de ne pas rester sous l’influence de son royal et autoritaire cousin turinois et au contraire pour se rapprocher de sa famille de  Modène.


125 - VICTOIRE-FRANCOISE DE SAVOIE (1690-1766) dite « Mademoiselle de Suse »,

fille bâtarde de Victor-Amédée II et de Jeanne-Baptiste de Verrrue née de Luynes .

Madame de Verrue, la jeune et belle fille du duc de Luynes poussée par son mari, sa belle-famille et les appuis de la duchesse-mère, Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours, avait succombé en 1689 aux avances de Victor-Amédée II d’où la naissance rapide de Victoire-Françoise très vite célèbre par sa grande beauté reçue de sa mère . Cependant tout se gâta très vite du fait des intrigues de la cour ( avec une tentative d’empoisonnement de la favorite), de la retraite forcée de la seconde "Madame Royale" Jeanne-Baptiste et d’une série de propos « infâmes » sur la cupidité de madame de Verrue ( accaparement d’une partie du trésor ducal) et ses soi-disantes activités d’espionnage. Madame de Verrue s’enfuit en 1700 laissant ses enfants au duc

Très belle et déjà consciente de son rang, la jeune Victoire avait refusé d’épouser lord Petersborough ambassadeur anglais à Turin

Elle épousa donc en 1714 à Moncalieri , Victor-Amédée 3° prince de Carignan (1690-1741) . Elle bénéficiait ainsi de la paix signée à Utrecht par laquelle son royal père s’était de fait réconcilié avec la France mais il fallut bientôt se rendre compte de la passion dévorante du jeu chez le nouveau marié rapidement couvert de dettes que le roi et sa mère poussèrent bientôt à regagner Paris pour profiter officiellement de l’hôtel de Soissons  confisqué par Louis XIV après les scandales d’Olympe et la « trahison » de son mari et dont la paix avait permis la restitution aux Carignan. Loin de se calmer le débauché transforma son palais en un « somptueux et ruineux tripot » qu’il prêta au dangereux spéculateur et banquier John Law qui aggrava encore la ruine du prince. Accumulant les imprudences, ce dernier nommé par le régent à la « surintendance des menus plaisirs » avait eu aussi la dangereuse ambition d’initier les Parisiens à l’opéra italien, ce qui était beaucoup leur demander d’où un retour de l’imprudent à Turin auprès d’un roi de plus en plus réticent pour l’aider et l’avènement de Charles-Emmanuel III en 1730 n’arrangea rien car le nouveau roi refusa de le soutenir plus longtemps. Il fallut donc revenir à Paris d’où de nouvelles et ruineuses dépenses somptuaires , de plus en plus de jeux et bientôt une mort en 1741 qui  fut en fait une délivrance…

En tous les cas, la pauvre Victoire ne fut pas épargnée pour autant car elle dut régler la ruine et les dettes de son mari , vendre l’hôtel de Soissons et ses collections et ne se sauvant que par l’aide de l’héritage de leur mère et par les amis bien placés qu’elle s’était faite depuis son retour en France .


 


 

III - Les dangers 

A) La branche aînée , le danger du jeu ( XVIII° siècle) - (126 - 130)

Le second prince de Carignan fils aîné de Thomas, Emmanuel- Philibert (1628- 1709) avait eu un mauvais début puisqu’il était sourd et muet , catastrophe rare d’autant plus dramatique que son père ne semble pas s’être beaucoup occupé du petit infirme. Heureusement sa mère profita de son installation provisoire à Madrid ( avant le retournement d’alliance de son mari) pour l’y faire soigner (le traitement de la surdité étant alors un spécialité médicale espagnole) , ce qui lui permit de reconnaître le parler des lèvres et de communiquer avec les beaux esprits de son époque ( en particulier avec le philosophe historien Tesauro.)

A la mort de son père, il était revenu s’établir à Turin où très intelligent et intellectuel, il se passionna pour la lecture mais aussi pour les arts d’où en 1675 sa rencontre et son entente avec l’architecte Guarino Guarini fort connu pour avoir construit la chapelle du Saint Suaire et auquel il confia la construction en 1676 et 1679 du château estival de Racconigi et du palais familial de Turin, dénommé « palais Carignan » dont l’architecture s’imposa vite comme un modèle baroque. Néanmoins celui qui était de fait l’héritier de son cousin le duc Victor-Amédée II ne se mariait toujours pas tiraillé entre Louis XIV qui entendait bien lui imposer une princesse français et le duc Victor-Amédée bien décidé à intervenir lui aussi. Le pauvre prince se décida enfin en 1684 en épousant Angela d’Este ( 1656-1722) , d’une branche cadette de la famille d’Este-Modène qui n’avait que 28 ans ( soit deux fois moins que son époux qui en avait justement 56 ) pour échapper à la fureur conjointe du duc de Savoie et du roi de France, le couple alla se réfugier à Bologne et à Modène et ne revint à Turin qu’en 1699 à la naissance d’un premier fils de Victor-Amédée qui régla enfin cette incertitude sur la dynastie de Savoie. On s’en était à peine remis qu’une nouvelle épreuve arriva avec l’invasion française qui obligea le couple princier à implorer l’autorisation du duc de La Feuillade chef de l’envahisseur français (ravi de cette humiliation ) pour sortir de Turin et aller se terrer à Racconigi , ultime épreuve qui emporta le prince en 1709.

Il avait laissé deux filles Marie-Victoire et Isabelle-Louise et surtout un fils Victor-Amédée (1690-1741) qui mal élevé se fit bientôt connaître par ses excès. Joueur assoiffé d’argent, il avait désespéré très tôt sa mère qui fit appel à Victor- Amédée II qui vite inquiet des dettes de son jeune cousin s’empressa dès la paix d’Utrecht (signée en 1713) de le marier et de l’expédier en France. Victor réglait aussi un problème personnel car il avait poussé dans les bras du prétendant sa propre fille Victoire-Françoise de Savoie ( 1690-1766) qu’il avait eue de sa maîtresse Jeanne-Baptiste de Verrue, née de Luyne (1670-1736) . Cette dernière sous la pression de son mari et de la famille de Verrue était elle-même tombée dans les bras de Victor Amédée en 1689 avant de fuir Turin en 1700 pour s’éloigner de ses ennemis de la cour ducale ( mais selon d’autres chroniqueurs pour dissimuler ses rapines et   ses rapports d’espionnage) . Cependant elle avait laissé sa propre fille au duc qui la légitima et à laquelle il donna une bonne éducation ainsi que le tire de marquise de Suse.

Le couple partit donc à Paris pour s’établir dans l’hôtel de Soissons ( tout juste restitué par Louis XIV aux Carignan après avoir été confisqué en 1692-93) . Il en eut fallu davantage pour sauver une situation bien fragile. Le 3° prince Carignan était parti officiellement à Paris pour initier les Français à l’opéra italien, ce qui était trop tôt ou trop tard et ce qui échoua lamentablement d’autant que les tables de jeux du « tripot de Soissons » échouèrent elles aussi éclaboussées par le scandale de l’échec du banquier Law qui s’était lié au prince… Victor-Amédée revint en Piémont pour implorer de nouveau l’aide de son beau-père mais celui-ci abdicadaire et déconsidéré mourut en 1632 laissant son trône à son fils Charles-Emmanuel III irrémédiablement hostile à un homme qui « déconsidérait son titre ». En tous les cas, ce. dernier revint à Paris pour continuer à se ruiner et se perdre d’où le soulagement général à sa mort en 1741. Il n’empêche qu’il avait déjà ruiné sa mère et sa femme et cette dernière même aidée par sa propre mère qui vivait voluptueusement retirée à Paris et par ses amis, le cardinal de Fleury et le prince de Bourbon-Condé, n’eut pas trop du reste de sa vie pour éponger le désastre financier de son mari.

Victor-Amédée et Victoire-Françoise eurent seulement deux enfants ( on ne peut tout faire…) aux destinées bien particulière, l’aînée Anne-Thérèse (1717-1745) se maria en 1741 avec un grand nom Charles de Rohan-Soubise ( 1715-1787) dont la fortune arrangeait bien la ruine des Carignan. Ce compagnon de Louis XV, gouverneur de Flandre puis de Champagne, favori de la Pompadour , ministre d’Etat était un passionné d’art et de littérature en correspondance avec Voltaire, ce qui ne l’empêchait pas d’être libertin, grand amateur de luxe (et même de cuisine) bien dans la lignée de son beau-père. Il sortait tout juste d’un premier mariage puisqu’il venait de perdre une première épouse Anne-Louise de la Tour d’Auvergne qui n’avait à son mariage que 12 ans et qui mourut tristement sept ans plus tard en 1741. Charles, ne voulant pas perdre davantage de temps, s’était remarié quelques mois seulement après le décès de sa précédente épouse , mais sans guère de profit car si Anne lui donna une fille, elle n’en mourut pas moins en couches en 1745. Décidément malchanceux mais toujours pressé, le duc tenta une troisième chance avec Anne-Victoire de Hesse-Rheinfeld : nièce de sa belle-sœur ( voir plus bas) mais les unions fidéles s’étaient estompées., car cette fois on sortit des ennuis naturels , Anne-Victoire s’enfuit en effet du somptueux hôtel construit par le duc dans le quartier du Marais (devenu centre des Archives Nationale ) et après lui avoir dérobé la somme extraordinaire de 900.000 livres, ce qui lui valut d’être bientôt arrêtée et renvoyée dans sa famille ( ce qui était bien le moins mais dans les grandes familles on ne pouvait envisager un emprisonnement )

Louis-Victor 4° prince ( 1721-1778) fut mariée par sa mère en 1740 avec Christine-Henriette de Hesse-Rheinfels-Rottebourg, ( 1719-1779) fille cadette d’un modeste landgrave de Westphalie mais dont la famille était réputée pour la « fertilité » de ses filles , en effet la jeune mariée avait neuf frères et sœurs , Polyxene avait déjà épousé le roi Charles –Emmanuel III ( ce qui ne pouvait qu’être utile aux Carignan alors en difficulté, Eléonore avait de son côté été mariée au comte Palatin et enfin Caroline était devenue princesse de Bourbon-Condé ( famille déjà liée aux Carignan au siècle précédent). . Remarquée par sa raideur mélée de timidité, la jeune princesse n’en remplit pas moins ses obligations puisqu’elle donna le jour à neuf enfants , ce qui rajeunissait une famille Carignan qui n’avait guère eu une telle richesse depuis Eugène-Maurice de Soissons. Fort de sa parenté avec le roi, Louis-Victor profita de la réconciliation entre Paris et Turin pour revenir en Piémont à la paix d’Aquisgrana qui clôturait en1748 la guerre de succession d’Autriche. Le roi Charles se montra ravi de cette réconciliation et fit de son beau-frère un bailli-gouverneur du duché d’Aoste avec le titre prestigieux de colonel général des Suisses. La paix ne lui permit guère de vérifier ses capacités militaires mais tout au moins il se fit remarquer par le charme de sa conversation et par ses goûts artistiques.

Très conscient de ses responsabilités, Louis-Victor maria adroitement ses quatre filles avec de grands noms européens , Léopoldine épousa ainsi un prince romain Doria Pamphili Melfi, Gabrielle un Lobkowitz de Bohême, Catherine un autre Romain (ou napolitain ): Colonna de Castigione et enfin Thérèse un Français de premier rang, Penthièvre-Lamballe . Le fils ainé, Victor-Amédée gagna lui aussi un autre grand nom français Lorraine-Armagnac mais tout ne peut réussir puisque Victor, le dernier de la famille préféra sans pudeur l’amour et la liberté en épousant secrétement une petite noble provinciale ( ce qui n’était pas sans rappeler le mariage tout aussi scandaleux de Louis de Soissons un siècle plus tôt….).

Victor-Amédée , 5° prince , 1743-1780, ne marqua pas l’histoire , la paix ambiante ne lui donna pas l’occasion de briller militairement, il fallut se contenter d’une calme vie « provinciale «  d’autant que la cour de son cousin Victor-Amédée III ne permettait guère d’excès de mondanité, d’ailleurs une mort prématurée en 1780 clôtura rapidement cette modeste quiétude.


 

126 - ANNE-THERESE (1717- Paris 1745) de Savoie-Carignan, princesse de Rohan-Soubise

fille de Victor-Amédée de Savoie-Carignan et de Victoire de Suse,

Elle épouse en 1741 ( l’année même de la mort de son père ) le prince Charles de Rohan-Soubise (1715-1787). mariage ambigu car le marié était fort riche ce qui convenait bien pour juguler la ruine des Carignan mais il ne fallait pas aller plus loin car il était de mœurs légères et sans moralité . Il avait déjà été marié en 1734 à une gamine ( fille unique du duc de bouillon) qui n’avait que 12 ans et qui mourut rapidement, mais le plus important fut pour lui l’amitié de Louis XV ce qui lui permit une grande carrière militaire et politique

 

Ecrasée par la banqueroute de son père, et par la personnalité de son mari, la pauvre Anne-Thérèse s’enferma dans une retraite discrète et austère.   Selon le duc de Luynes, « elle voyait fort peu de monde, elle n’aimait point le jeu et elle était souvent chez elle, menant une vie assez particulière ». Elle mourut en couches à 28 ans, vite remplacée par une 3° épouse (née de Hesse-Rheinfelds) renvoyée par sa légéreté et sa cupidité ( tout aussi grandes que celles de son mari ) .

Veuf, le maréchal put s’adonner aux actrices, aux livres, aux arts , à la musique , à la gastronomie ( d’où la « sauce Soubise ») , à la politique ( grand ennemi de Choiseul mais à l’inverse grand ami de Madame de Pompadour puis de Madame du Barry , plus fidéle en amitié qu’en amour( mais se rappelait-il encore d’Anne-Thérèse ?)

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127/ URANIA DE LA CROPTE ( 1655-1717)

 

Fille d’un écuyer du prince de Condé, réputée pour sa beauté et son sens de l’intrigue (Saint Simon l’a décrite « aussi radieuse qu’une glorieuse mère ».

En 1680, elle épouse (secrêtement) Louis-Thomas (1657-1702) 2° comte de Carignan-Soissons, fils d’Eugène Maurice et d’Olympe Mancini. Thomas était le frère aîné d’Eugène le futur généralissime qu’il éleva d’ailleurs avec ses autres frères et sœurs puisque tous s’étaient retrouvés quasi orphelins du fait de la mort de leur père et du départ de leur mère s’exilant pour échapper au scandale de l’affaire des poisons.

Marie de Bourbon, l’ambitieuse grand-mère du jeune prince ne pardonna pas un tel événement qui compromettait ses ambitions d’entente éventuelle avec des princesses françaises ou savoyardes, « quel malheureux mariage a fait le comte de Soissons en épousant une bâtarde avec une telle disproportion de rang, devant la critique universelle et contre le respect dû à Madame Royale à laquelle il avait promis le contraire par écrit, m’a causé une épouvantable surprise et de cruelles souffrances… » écrivait-elle alors

Tout commença au mieux à la cour de Versailles jusqu’à ce que le roi-soleil remarque la jeune et belle princesse qui, en refusant les avances royales s’attira les foudres du souverain, d’où la défaveur de Louis-Thomas qui rejoignit Eugène au service autrichien dont il tira gloire avec de belles victoires en Allemagne mais aussi bientôt la ruine financière et une mort en plein combat durant la guerre d’Espagne….

Saint-Simon qui n ‘appréciait pas les « traîtres » a donné son point vue sur Louis-Thomas , sur sa contestable personnalité et sur sa carrière « Le comte de Soissons, sans père et ayant sa mère en situation de n'oser jamais revenir en France, y fut élevé par la princesse de Carignan, sa grand'mère, avec le prince Eugène et d'autres frères qu'il perdit, et ses sœurs dont j'ai parlé lors du mariage de Mme la duchesse de Bourgogne. C'était un homme de peu de génie, fort adonné à ses plaisirs, panier percé qui empruntait volontiers et ne rendait guère. Sa naissance le mettait en bonne compagnie, son goût en mauvaise. À vingt-cinq ans, amoureux fou de la fille bâtarde de La Cropte-Beauvais, écuyer de M. le Prince le héros, il l'épousa au désespoir de la princesse de Carignan, sa grand'mère, et de toute sa parenté. Elle était belle comme le plus beau jour, et vertueuse, brune, avec ces grands traits qu'on peint aux sultanes et à ces beautés romaines, grande, l'air noble, doux, engageant, avec peu ou point d'esprit. Elle surprit à la cour par l'éclat de ses charmes qui firent en quelque manière pardonner presque au comte de Soissons; l'un et l'autre doux et fort polis. Elle était si bien bâtarde, que M. le Prince, sachant son père à l'extrémité, à qui on allait porter les sacrements, monta à sa chambre dans l'hôtel de Condé pour le presser d'en épouser la mère; il eut beau dire et avec autorité et avec prières, et lui représenter l'état où, faute de ce mariage, il laissait une aussi belle créature que la fille qu'il en avait eue, Beauvais fut inexorable, maintint qu'il n avait jamais promis mariage à cette créature, qu'il ne l'avait point trompée, et qu'il ne l'épouserait point; il mourut ainsi. Je ne sais où, dans la suite, elle fut élevée ni où le comte de Soissons la vit. La passion de l'un et la vertu inébranlable de l'autre fit cet étrange mariage. On a vu en son temps comment le comte de Soissons était sorti de France, et comment il avait été rebuté partout où il avait offert ses services. Ne sachant plus où donner de la tête, il eut recours à son cadet le prince Eugène et à son cousin le prince Louis de Bade, qui le firent entrer au service de l'empereur, où il fut tué presque aussitôt après. Sa femme, qui fut inconsolable et qui était encore belle à surprendre, se retira en Savoie dans un couvent éloigné de Turin (???????????) où M. de Savoie enfin voulut bien la souffrir. Leurs enfants, dont le prince Eugène voulait faire les siens, sont tous morts à la fleur de leur âge, en sorte que le prince Eugène, qui avait deux abbayes et n'a point été marié, a fini cette branche «

L’Allemagne du sud donna la gloire à Louis-Thomas et lui permit bien des relations d’où les mariages allemands de ses deux enfants. :Victoire (128, 1683-1763) épouse (séparée) de Fréderic de Saxe- Hidburghausen et Emmanuel 3° comte de Soissons (1687-1729) marié sans postérité définitive avec une princesse de Liechtenstein. Ainsi avec eux, seuls survivants des quatre enfants du prince Thomas mais sans descendance, la famille de Carignan-Soissons s’est éteinte au milieu du XVIII° siècle

 

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128/ ANNE-VICTOIRE ( Paris, 1683- Turin 1763, enterrée en l’église Saint-Philippe) princesse de Saxe

Elle était fille de Louis-Thomas de Soissons et d’Uranie de la Cropte (127)

« mademoiselle de Soissons » était une personnalité complexe, elle  avait suivi son père en Autriche où elle ne se maria que tardivement à 55 ans avec le jeune et brillant duc de Frédéric de Saxe-Hildburghausen (1702-1787) qui venait d’être promu feld-marchal et qui se vantait d’avoir été le brillant et fidèle second du généralissime dont il lorgnait peut-être la fortune. Ce ne fut pas le cas car la « jeune » épouse qui venait d’hériter de son oncle qu’ elle ne semblait pas avoir beaucoup fréquenté ni même considéré auparavant, vendit bientôt la plus grande partie de cet immense patrimoine, cédant aux demandes instantes de l’empereur lui-même qui reçut ainsi la bibliothèque , les dessins, les gravures et les bâtiments du défunt . Elle n’en eut pas la paix pour autant car son mari retiré de l’armée se fit toujours plus déplaisant , d’où leur séparation définitive en 1752. Il reprit du service sans retrouver la gloire d’autant que compromis en 1757 par sa défaite de Rossbach (où il avait retrouvé Charles de Rohan-Soubise, cousin d’Anne-Victoire ) il dut se résigner à une retraite sans retour alors qu’elle-même retournait enfin à Turin pour y tester en faveur de son cousin le roi Charles-Emmanuel III et de son fils Benoît-Maurice duc de Chablais…..

 

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129/ CHRISTINE-HENRIETTE DE HESSE-RHEINSFELD- ROTHENBURG ( 1717-1778)

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Sœur de la défunte reine Polyxène, donc belle-- sœur du roi Charles-Emmanuel ,

Elle épouse en 1740 Louis-Victor 4° prince de Carignan (1721-1778) qui vient juste de revenir de Paris où il avait dû liquider les énormes dettes de son père, mariage « modeste » du fait de la relative pauvreté de Hesse-Rheinfelds mais qui avait l’avantage de faire de lui le beau-frère du roi qui lui conserva dès lors son amitié , ce qui lui permit de devenir gouverneur d’Aoste en 174# puis capitaine et colonel général des Suisses.

Christine lui donna huit enfants : six filles : Léopoldine 1744-1807 épouse de Giovanni-Andrea-Dona Pamfili de Melfi), Gabrielle (1748-1828 épouse de Ferdinand Von Lobkowicz, 1724-1784 ), Marie-Louise ( 1749-1792, épouse de Louis-Alexandre de Bourbon), de Lamballe (132) et Catherine (1762-1823, épouse de Filippo Colonna de Castiglione) avec deux fils Victor-Amédée II (1743-1780) et Eugène (1753-1785,) comte de Villafranca à l’origine de la branche des Savoie-Carignan-Villafranca)

«  elle avait gardé la raideur de son éducation protestante et souffert toute sa vie de se voir dans une situation inférieure à celle des enfants de sa sœur… »

quant à Louis, il fut « adoré de tous, mécène à ses heures, causeur délicieux mais se plaisant surtout à diriger les parades militaires » . Il laisse le souvenir sa faveur accordée à l’architecte Giovanni Borra qui termina les alentours de la place du palais Carignan de Turin et la façade de celui de Racconigi….

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130/ ISABELLE DE MAGON DE BOISGARIN (1765-1814)

épouse Eugène (1753-1785), 1° comte de Savoie-Carignan de Villafranca, dont elle a Joseph-Maria (1783-1825)

« Le Prince Eugène de Savoie-Carignan, second frère de Mme de Lamballe, avait épousé secrètement une jeune fille de condition, qui s'appelait Mademoiselle Magon de Boisgarin. Elle était d'une ancienne et fort honorable famille originaire du diocèse de Saint-Malo ; mais comme cette famille était bien loin d'être princière, ou d'être seulement chapitrale, les Rois de Sardaigne, aînés de la maison de Savoie, n'ont jamais voulu reconnaître le mariage de leur cousin. Il a fallu pourtant s'occuper d'assurer un état nobiliaire à ses enfans qui ne sont non plus bâtards que vous et moi, et le Roi Victor-Emmanuel a fini par leur accorder la qualification de Comtes de Carignan, en leur concédant les armes de leur nom, chargées d'une brisure sur la croix de Savoie. Leur mère a été titrée Comtesse de Villefranche, et voilà toute l'histoire de cette branche de Carignan, qui n'a rien de princier. Vous prendrez garde à ne pas vous y laisser tromper, et je vous le recommande. » ( souvenirs de Madame de Crequy) 2

Chateaubriand nous apporte quelques précisions : « Le prince Eugène de Savoie-Carignan, né le 22 septembre 1753, était le fils cadet du prince Louis-Victor de Savoie-Carignan et de la princesse Christine-Henriette de Hesse-Rheinfelds-Rothembourg. Frère de la princesse de Lamballe, il entra au service de France sous le nom de comte de Villefranche (Villafranca) et fut placé à la tête du régiment de son nom. Le 22 septembre 1781, il épousa, dans la chapelle du château du Parc, en la paroisse de Saint-Méloir-des-Ondes, à quelques lieues de Saint-Malo, Élisabeth-Anne Magon de Boisgarein, fille de Jean-François-Nicolas Maçon, seigneur de Boisgarein et de Louise de Karuel. Ce mariage fut annulé par le Parlement, à la requête des parents du prince. Celui-ci lutta désespérément pour faire reviser cet arrêt. Les tristesses de cette lutte abrégèrent sans doute ses jours, car une mort prématurée l'enleva, le 30 juin 1785. » ( Mémoires… 1° partie, livre 2, chap. 5)


 


 

B) Modernité et libéralisme (131 - 133)

Cependant cette dernière donna sa chance à Joséphine de Lorraine (1743-1797) qui comme son époux ne fréquenta guère les royaux cousins de Turin , préférant une vie paisible mais non sans intérêt car dévouée aux arts , aux lettres et aux idées nouvelles . La princesse de Carignan se révéla en effet une grande intellectuelle , promotion féminine d’autant plus remarquable qu’elle était assez rare alors en Piémont et en Italie……Convertie un temps à l’illuminisme puis bientôt au grand éventail de l’esprit des lumières, elle voyagea des deux côtés des Alpes ( ce qui lui permit de rencontrer Pietro Verri et Cesare Beccaria à Milan mais aussi Rousseau et Voltaire à Paris) et elle s’organisa un salon à Racconigi qui lui permit de fréquenter les grands noms de l’intelligentsia piémontaise ( Tana ,Paciaudi, Valperga di Caluso etc). Enfin elle se lança (discrétement mais non sans ténacité) dans l’écriture , on lui doit ainsi une nouvelle intéressante : « les aventures d’Amélie «  où elle décrivait une « île de la félicité » remarquable par son absence de toute institution ou allure militaire , mais aussi des « Reflexions sur le suicide », « L’amour vaincu », » Les aventures du marquis de Belmont écrites par lui-même ou les nouveaux malheurs de l’amour », « La coquetterie punie par l’amour ou le danger de la coquetterie » , « Justification d’une jeune femme accusée de coquetterie ( décidément le sujet la passionnait) faite par elle-même « . Cependant cette grande dame n’entendit pas rester dans le seul domaine idéal et ses deux réalisations pratiques marquèrent dans l’opinion son souci d’être de son temps, c’est ainsi qu’elle transforma en parc anglais l’immense domaine de Racconigi et qu’elle envoya , malgré le dépit du roi Victor-Amédée III, son fils Charles-Emmanuel au tout nouveau collége militaire français de Sorèze ( créé près de Castres en 1776 pour rénover la formation des officiers ) . La princesse mourut hélas elle aussi bien tôt puisqu’elle s’éteignit à 54 ans en 1797 au moment même où la Révolution atteignait enfin le Piémont après avoir fait cependant le choix d’une jeune fille « moderne «  pour son fils…. Et avec d’autant plus de plaisir qu’elle avait souffert énormémemt des aventures matrimoniales de son beau-frère Eugène et de sa belle sœur Marie- Thérèse de Lamball

En effet, le sort ne lui avait pas été favorable dans ses relations avec la France ,son pays d’origine. En 1781, Eugène (1753-1785) frère cadet de Victor-Amédée avait été unanimement remarqué et critiqué par son mariage secret de dérogeance avec une « petite noble bretonne » , ce qui n’était pas sans rappeler le mariage tout aussi scandaleux de Louis de Soissons un siècle plus tôt mais ce dernier plus chanceux avait pu garder son épouse alors que Eugène vit son union annulée par le parlement, d’où un désespoir qui l’enleva rapidement en 1785 . Tout aussi défavorisée par le sort, sa sœur Marie-Thérèse de Lamballe (1749-1792) n’avait pu profiter elle aussi de son mariage avec Louis-Alexandre de Bourbon-Penthièvre ( lui-même fils d’une princesse d’Este-Modène, famille essentielle dans les liens entre les Carignan et les Penthièvre ) car ce dernier libertin, célèbre par ses « vices » et ses excès mourut bientôt laissant Marie-Thérèse de Lamballe seule avec son beau-père remarquable par ses œuvres et avec sa belle-sœur la duchesse d’Orléans elle aussi sacrifiée à la politique . Certes elle aussi tentée par l’illuminisme et la franc-maçonnerie , refusa toujours de se remarier ( on avait pensé lui faire épouser Louis XV après la mort de la reine Lecsinska) préférant se lier d’amitié avec la dauphine puis reine Marie-Antoinette qui la chargea de la surintendance de sa maison. Ecartée un temps de la cour par la jalousie de Madame de Polignac , autre favorite de la reine pourtant jumelle de Marie-Thrèse, elle revint à une vie de discrétion et d’œuvres jusqu’en 1789 où retrouvant l’amitié de Marie-Antoinette, elle se lia aux vues et actions de cette dernière, allant même en opération secrête négocier en 1791 à Aix-La-Chapelle ( avec qui  et pour quoi ?) ce qui lui valut une énorme cabale et beaucoup d’oppositons et d’impopularités qui expliquent son massacre en septembre 1792 ,

Décidément la France vers laquelle les Carignan se tournaient périodiquement et naturellement ne leur était finalement guère favorable….

La branche ainée de la Révolution au Risorgimento ( XIX° siècle)

Charles-Emmanuel (6° prince, 1770-1800) était un garçon sans grande personnalité ce qui ne l’empêcha point d’être un bon fils , un bon mari et un bon soldat puisque à peine sorti de l’école de Soréze, il dut dès 1792 aller avec l’armée piémontaise défendre vaillamment la crête des Alpes contre les Français. Profitant de la paix de Cherasco, sa mère l’envoya rejoindre à Augsbourg , la fiancée saxonne qu’elle lui avait trouvée avec son cousin le nouveau roi Charles-Emmanuel IV. Le choix

était significatif car depuis longtemps la maison de Savoie cultivait ses liens avec la grande maison de Saxe dont elle arguait de descendre depuis le mystérieux et légendaire Berold père d’Humbert aux Blanches-Mains…. En fait comme toute la noblesse les Carignan prétendait descendre des envahisseurs germains et à plus forte raison de la Maison de Saxe réputée pour son ancienneté , sa bravoure et son rôle dans l’apparition du Saint-Empire. Certes Marie-Albertine (1779-1851) relevait d’une branche cadette des princes de Saxe, rois de Pologne, elle était la petite- fille du roi Auguste III de Pologne, nièce de la dauphine Marie-Josephte de Saxe donc cousine des rois Louis XVI, Louis XVIII et Charles X mais aussi de la reine Marie-Clotilde épouse du roi Charles-Emmanuel IV, cousine plus lointaine du maréchal de Saxe et de Geroge Sand , elle s’était déjà fait connaître par sa vivacité et par sa personnalité qui en imposèrent très vite à son époux.

Le ménage Carignan ne fraya guère avec le couple royal ( de Charles-Emmanuel IV et de Clotilde) plus tourné vers la piété et l’austérité, ce qui explique son refus de se joindre à la famille royale lorsque celle-ci se décida à quitter Turin et le Piémont en décembre 1798 dans l’impossibilité de s’entendre avec l’occupant français de plus en plus exigeant et outrancier et avec lequel les Carignan semblaient fort liés. Certes une fois maîtres des lieux, les Français révélèrent leur dureté , emprisonnant Charles-Emmanuel puis le forçant à partir en France jusqu’à Paris où il fut loin d’être reçu dignement comme cela avait pu être prévu et annoncé avec autant de naïveté d’un côté que de fourberie de l’autre. Le ménage appauvri et déçu se retrouva donc dans une masure de Chaillot où vinrent au monde successivement leurs deux enfants Charles-Albert et Christine-Henriette et c’est là que mourut en février 1800 Charles-Emmanuel emporté par la fièvre et la déception.

Une fois de plus , la famille de Carignan se trouvait ruinée, isolée et presque éteinte mais le sort en décida autrement. Bonaparte consul puis empereur montra une réelle bienveillance pour la veuve et ses enfants qui reçurent quelques pensions et promesses d’avenir. Marie-Albertine fit d’ailleurs connaissance d’ un jeune administrateur Jules - Maximilien de Montléart (1787-1865) , de petite noblesse du Gâtinais enrichie par une plantation à Saint-Domingue, dont elle eut deux enfants en 1807 et 1808 alors que la rumeur prétendit que les deux amants s’étaient rencontrés seulement au bal de l’ambassade d’Autriche incendiée lors des fêtes du mariage de Napoléon et Marie Louise en 1810. Il n’empêche que cette union et ces enfants gênaient les relations de Marie-Albertine et de ses premiers enfants, ce qui aboutit à l’envoi du jeune Charles-Albert à Genève dans la (bonne) pension du pasteur Vaucher  ce qui convenait autant à « l’esprit large » de la princesse qu’à ses nécessités matrimoniales….. Bien sûr au printemps 1814, ce fragile équilibre éclata , l’empire français se fragmenta et provoqua le retour des princes que Napoléon avait éliminés. Dans la masse des problèmes que le roi Victor-Emmanuel trouva à son retour en Piémont , celui des Carignan arrivait en premier. Evidement on ne voulut pas entendre parler d’un retour de Marie Albertine à Turin mais pour le reste l’ambigu Victor voulait bien tout envisager.

131-  JOSEPHINE DE LORRAINE-ARMAGNAC ( 1743-1797)

fille de Louis-Charles de Lorraine-Armagnac et de Constance de Rohan- Montauban, Joséphine était la cousine de la reine Elisabeth de Lorraine, épouse de Charles-Emmanuel III.

En 1768, à Oulx, elle Elle épouse  Victor-Amédée 5° prince de Carignan ( 1743-1780) ; Oulx était le point évident pour l’entrée dans le royaume des cortéges officiels venus du sud de la France par le Mont-Genèvre ( c’est là en particulier que s’étaient mariés aussi en 1760 le futur Victor-Amédée III avec l’espagnole Marie Antoinette .

Elle avait le même âge que son mari, ce qui était assez rare et finalement prometteur d’une agréable union, mais le sort en décida autrement car le jeune prince meurt subitement en 1780 à 36 ans , deux ans après la mort de ses parents, brisant une carrière militaire prometteuse et la laissant veuve pendant 17 ans.

Veuve très tôt et assez isolée ( elle n’avait plus que des belles-sœurs), elle se tourna vers les lettres pour échapper à l’ennuyeuse famille royale, d’où une grand nombre de productions littéraires à sous entendus philosophiques ( elle fut tentée par l’illuminisme) : « les aventures d’Amélie » ( plutôt antimilitariste), « réflexions sur le suicide », « l’amour vaincu », « la coquette punie par l’amour » « justification d’une jeune femme accusée de coquetterie faite par elle-même », « les aventures du marquis de Belmont écrites par lui-même ou les nouveaux malheurs de l’amour».

Très cultivée et très ouverte ( elle se mit en relation avec l’abbé Valperga di Caluso, Vernazza, Angelo Maria Bandini et hors du Piémont avec les frères Verri, Beccaria, Paciaudi, elle chercha à quitter le plus souvent possible Turin qui n’avait que peu d’intérêt pour elle et elle alla visiter Milan, Parme, Venise, Florence, Rome, Naples et bien sûr Paris où elle fréquenta les salons et rencontra Voltaire et Rousseau .

Elle s’est surtout fait connaître de l’opinion en s’occupant de l’éducation de son fils Charles-Emmanuel qu’elle envoya malgré l’avis du roi Victor Amédée III à la nouvelle et moderne école royale militaire de Sorréze .près de Castres et en faisant réformer en style anglais le parc de Le Nôtre à Racconigi..

Elle est morte à temps avant la grande révolution de 1798.juste après avoir marié son fils avec une princesse saxonne réputée elle aussi pour sa modernité (133) .

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132/ MARIE-THERESE-LOUISE ( 1749-1792) princesse de Lamballe

fille de Louis-Victor Carignan et de Christine de Hesse ( née le même jour que la comtesse- duchesse- de Polignac)

elle épouse en 1767 Louis-Alexandre de Bourbon , prince de Lamballe ( 1748-1768, fils de Jean-Marie de Bourbon-Penthièvre et de Marie-Thérèse d’Este-Modène (Les Este-Modène sont ainsi le lien entre les Carignan et les Penthièvre) . Elle était donc la belle-sœur de la duchesse d’Orléans , née Penthièvre.

Libertin et coureur, le marié meurt de maladie vénérienne un an après son mariage laissant sa femme veuve à 19 ans….On pensa la remarier avec le roi après la mort de Marie Leczinska mais le projet est bloqué par la Du Barry soucieuse de garder on influence . Elle se lie très vite avec Marie-Antoinette dauphine puis reine de France qui lui donne le titre de surindentante de sa Maison . Ecartée un temps de la cour ( par la duchesse de Polignac qui était sa jumelle) , elle se consacre aux œuvres charitables en lien avec son beau-père mais sans oublier les idées nouvelles d’ailleurs n’est-elle pas en 1781 grande maîtresse de la grande loge écossaise . Les troubles révolutionnaires la rapprochent de la reine auprès de laquelle elle s’établit aux Tuileries en 1790 dévouée entièrement à la cause du couple royal pour lequel elle effectue un mystérieux voyage à Aix La Chapelle en 1791, ce qui lui vaut l’accusation d’être un « agent secret » en relation avec l’empereur et avec les émigrés. Elle fut de ce fait une des premières victimes du 10 août puisque enfermée à la prison de la Force, elle fut massacrée en septembre sous les yeux mêmes de la reine emprisonnée au Temple.

 

↑ Madame GUénard alias Elisabeth Brossin , baronne de Mélé. :Mémoires historiques de Marie-Thérèse-Louise de Carignan, princesse de Lamballe, une des principales victimes des journées des 2 et 3 septembre 1792, Paris. 1815

Adolphe-Mathurin de Lescure, La Princesse de Lamballe, Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, sa vie, sa mort (1749-1792), d’après des documents inédits, Paris, , 1864, 480 p.

Raoul Arnaud, La Princesse de Lamballe, 1749-1792 : d’après des documents inédits, Paris, 1911, 397 p.

Alain Vircondelet, La princesse de Lamballe, Paris, 1995, 273 p.

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133/ MARIE-ALBERTINE DE SAXE, (1779-1852) , princesse de Carignan

mère du roi Charles-Albert

Fille du prince Charles de Saxe, duc de Courlande, née en 1779 à Dresde

Nièce du prince Antoine ( qui avait épousé Caroline de Savoie en 1781) , de Josefa de Saxe ( 1731-1767) dauphine de France ( mère de Louis XVI, de Clotilde de France, des rois Louis XVIII et Charles X) du duc de Teschen ( qui a épousé Christine de Habsbourg, sœur de Marie-Antoinette, gouvernante des Pays Bas)

Elle épouse en octobre 1797 à Augsbourg Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan, prince de Carignan ( 1770-1800). En 1799, juste après la naissance d’un héritier ( le futur Charles-Albert), ils refusent de partir avec la famille royale et Charles se voit donc dépossédé de ses titres et de ses prérogatives de prince souverain par Charles Emmanuel IV. Le ménage passe alors à Paris où il vit modestement à Chaillot où le prince s’éteint en août juste après la naissance de leur fille Elisabeth

Marie-Albertine se remarie en février 1810 avec le jeune comte Jules-Thibault de Montléart ( 1787-1865) d’une famille de l’Orléanais enrichie à Saint-Domingue, dont elle aurait eu avec lui en novembre 1807 un garçon né à Avignon et en janvier 1809 une fille née à Beauvais…mais certains (dont Ernest Daudet) affirment que le jeune officier l’épousa après l’avoir sauvée de l’incendie de l’ambassade d’Autriche en 1810. C’est incontestablement ce remariage qui la poussa à envoyer son fils finir son éducation à Genève chez le pasteur Vaucher , choix qu’on ne cessa de lui reprocher par la suite mais qui ne fut finalement pas aussi mauvais que ses ennemis le prétendirent

Par la suite brouillée avec son fils qui ne lui pardonne ni son remariage ni ses anciennes opinions jacobines, elle voyage à Dresde et à Vienne soucieuse de l’établissement de son mari ( reconnu prince d’empire en 1822) et des deux enfants qu’elle avait eus de lui , elle ne réapparait en Piémont qu’en 1849 une fois son fils parti en exil et s’établit un temps à Moncalieri mais elle ne s’y retrouve pas et retourne à Paris pour y mourir en 1852. Son mari ne mourut qu’en décembre 1865 à 75 ans après avoir épousé quatre mois auparavant en secondes noces Félicie de la Trémouille ( 1836-1915) ) âgée de 49 ans de moins que lui


 


C) Le Risorgimento (134 - 154)

134/ PAULINE   DE QUELEN D’ESTUERT DE CAUSSADE ET DE LA VAUGUYON ( 1783-1829)

Elle était lille de Paul-François (1746-1828), duc de la Vauguyon, prince de Carency, marquis de Saint-Maignin, qui fut gouverneur de Cognac sous l’Ancien Régime et qui mourut lieutenant général. La famille de la Vauguyon de très vieille noblesse bretonne pouvait s’enorgueillir d’être liée aux Tourzel ( un Vauguyon s’était chargé de l’éducation de Louis XVI et à la génération suivante Madame de Tourzel se retrouva gouvernante des enfants de ce prince) et de loin aux Rohan mais surtout à Mgr de Quélen ( 1778-1839), archevêque de Paris en 1821, membre de la chambre des Pairs et de l’Académie française.

Paul-Yves, le frère de Pauline, avait reçu le titre de lieutenant-général en 1809 et celui de comte d’Empire tout comme son beau-frère ( mari de sa sœur) Alexandre de Bauffremont, ( 1773-1839) qui fut sous la Restauration duc, pair et chevalier de Saint -Louis.

Elle épouse à Paris en 1810, Joseph-Marie de Savoie-Carignan-Villafranca ( 1783-1825) fils d’Eugène et d’Elisabeth Magon de Boisgarin

«  il (Joseph-Marie) se fit soldat sous Napoléon et fut nommé, pendant la campagne de Russie, colonel d'un régiment de hussards. Des lettres-patentes de 1810 lui conférèrent le titre de baron. Louis XVIII, en 1814, lui rendit son ancien titre de comte de Villefranche. Il devint officier-général et mourut le 15 octobre 1825. - Il avait épousé, le 9 octobre 1810, Pauline-Antoinette Bénédictine-Marie de Quélen d'Estuer de Caussade, fille du duc de la Vauguyon ; le fils issu de ce mariage, Eugène-Emmanuel-Joseph-Marie-Paul-François, reprit le rang de ses ancêtres, lorsque la branche de Carignan monta sur le trône de Sardaigne avec le roi Charles-Albert, petit-neveu du mari de Mlle de Boisgarein. ….» (Chateaubriand)

 Pauline mourut accidentellement brûlée vive au château d’Auteuil.

Pauline et Joseph-Marie ont eu trois enfants  qui , orphelins, ont quitté la France après 1831, ne se retrouvant pas dans le nouveau régime orléaniste de Paris et au contraire attirés en Piémont par leur cousin Charles-Albert fort soucieux de rassembler les derniers restes de sa famille

 Marie Gabrielle (1811-1857, qui épouse bientôt le prince romain Massimo

Marie-Victoire-Philiberte (1814-1874), qui épouse en 1837 Léopold de Bourbon ( comte de Syracuse, 1813-1860 , fils de François I° des Deux Siciles, neveu de la reine Marie-Amélie, demi-frère de la duchesse de Berry, frère de Ferdinand II et donc beau-frère de Marie-Christine de Savoie). Ce fut le dernier mariage entre les deux familles de Savoie et de Naples avant la grande rupture de 1860. Léopold libéral , moderne, même libertin tenta vainement de pousser le régime napolitain aux réformes et à la reconnaissance du nouveau nationalisme italien. Il mourut peu après la chute du royaume de Naples sans avoir pu jouer un rôle essentiel dans la nouvelle Italie (et sans avoir pu même convertir son épouse irréductiblement conservatrice) . Le comte de Reiset a dressé dans ses « Souvenirs » un tableau pitoyable de la « princesse Philiberte » excentrique, obsédée de propreté à la folie , découverte mystérieusement enceinte à la veille de son mariage ce qui explique la débauche du comte de Syracuse qui n’ayant pu la renvoyer en Piémont , dut la garder près d e lui pour son plus grand malheur….

Eugène de Carignan (1816-1888) . Ce dernier avait été reconnu par Charles-Albert en avril 1834 héritier présomptif de la couronne en cas d’extinction de la branche régnante. Il entra dans l’armée et dans la marine sarde où il acquit rapidement une grande et belle renommée. Après avoir été en 1848-49 puis en 1859-60 un brillant lieutenant général, Indifférent aux grandes charges qui lui furent confiées ( lieutenant-général du royaume en mars 1848 puis de l’Italie du sud en 1861) il se retira de toute vie publique et épousa morganatiquement en 1863 Félicité Crosio de Verceil dont il eut six enfants et dont descend actuellement la famille des comtes de Savoie-Villafranca-Soissons selon le titre que le roi Humbert I° leur accorda en 1888.

 

Voir plus bas les dernières princesses de Carignan

153,/MARIE-THERESE DE HABSBOURG-CARIGNAN

154/MARIE-FRANCE-ELISABETH DE CARIGAN-

HABSBOURG

155/ MARIE-ADELAÏDE DE CARIGNAN-HABSBOURG