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101 – CHRISTINE DE FRANCE (1606-1663)

101 - CHRISTINE DE FRANCE (1606-1663)

12° duchesse de Savoie

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Fille de Henri IV (1553-1610) et de Marie de Médicis (1575-1642), sœur du roi Louis XIII (1601-1643) et de Louis d’Orléans (1607-1611), d’Elisabeth (1602-1644) et d’Henriette de France (1609-1669), respectivement reines d’Espagne et d’Angleterre.

Charles-Emmanuel ayant senti le danger d’une diplomatie purement « espagnole » avait d’abord cherché à faire épouser à son fils et héritier Victor-Amédée, une princesse Gonzague mais l’échec de la «reprise» de la petite Marie l’avait détourné de cette direction d’où l’envoi à Paris d’une mission de bons offices avec son autre fils «le cardinal» Maurice, les présidents Favre et Verrua et (Saint) François de Sales pour négocier avec le ministre Luynes, négociation d’autant plus importante qu’au même moment la «défénestration de Prague» révèle l’ampleur de la crise du Saint-Empire (et le réveil des ambitions germaniques du duc).

.M CH et de Thomas
Négociation entre Marie Christine et son beau frère Thomas de Carignan. Fresque du Palais de Valentino

Christine, 3° enfant et seconde fille d’Henri IV et de Marie de Médicis avait mal commencé dans la vie puisqu’elle n’avait que quatre ans à la mort de son père et onze ans lors de l’exil de sa mère. Lorsque Charles–Emmanuel se fit une raison de ses grandes prétentions françaises ou espagnoles, il fit des ouvertures à Henri IV pour un rapprochement entre Turin et Paris mais rien n’aboutit jusqu’en 1618 quand on s’aperçut de l’intérêt de la petite princesse d’où l’envoi à Paris d’une étrange délégation comprenant les deux jeunes frères du prince héritier, Maurice (1593-1657), qui à 25 ans se retrouvait déjà évêque et cardinal et Thomas (1595-1656)  plus jeune de deux ans et tous deux sans expérience pour une telle mission ce qui explique le rôle fondamental de deux aînés et de quelle taille ! : François Favre président du Sénat de Savoie âgé de 65 ans et François de Sales évêque (théorique) de Genève de deux ans plus jeune mais internationalement connu. Certes la petite princesse eut préféré épouser le prince de Galles, mais il n’en fut pas question ( d’autant qu’on préféra pour celui-ci en 1625 Henriette, la sœur de Christine). Dans un premier temps, mariée par procuration à Paris au Louvre elle est ramenée triomphalement à Turin après avoir traversé en grande pompe la Savoie et été l’objet d’une fête inouïe au lac du Mont Cenis à 2000 mêtres d’altitude. Elle rencontre enfin son époux Victor-Amédée  prince de Piémont (1587-1637) qu’elle n’avait jamais vu et qui avait 19 ans de plus qu’elle. Au début elle va émerveiller par son esprit, sa légèreté et ses prétentions familiales la cour de Turin toute rigide encore de l’influence de la reine Catherine-Michelle (1567-1597) ce qui lui attire ainsi la méfiance, la jalousie et la critique de toute sa belle-famille sauf du duc ébloui de tant de prétentions, situation d’autant plus ambiguë que la guerre reprend bientôt entre le duc et les deux rois de France et d’Espagne enfin comble de malchance Victor-Amée meurt mystérieusement sans doute empoisonné sans que l’on sache si ce crime était le fait des Espagnols ou des Français, tout s’écroule car les hypocrisies dissimulées par les fêtes fastueuses de la cour apparaissent enfin cruellement.

Christine de France veuve et ses enfants.
Christine de France veuve et ses enfants.

En 1637, juste après avoir reçu officiellement les titres de «Majesté» et de «Madame Royale», elle se voit confier la régence pour son fils François-Hyacinthe né en 1632, mais la mort rapide de ce dernier en 1638 rend bien difficile la survie du duché de Savoie d’autant que le nouveau duc Charles-Emmanuel (frère de François-Hyacinthe) n’est qu’un enfant de quatre ans (1562-1630).

Les beaux-frères de la régente essaient alors de s’imposer que ce soit le cardinal Maurice de Carignan ou son cadet Thomas. Aidés des Espagnols (et de leurs sœurs Marguerite de Gonzague (1589-1655), Marie (1594-1656) et Catherine (1595-1640) ils prennent les armes et amènent Christine à fuir en Savoie, province jugée plus fidèle que le Piémont. Cependant comble de la difficulté, en Savoie elle est aussi menacée car elle doit subir les offres d’aide de son frère Louis XIII et de son ministre Richelieu qui, depuis Eybens et Grenoble, font un chantage assez éhonté sur la pauvre princesse ( lui offrant leur aide contre une vassalisation de fait du duché), cependant celle-ci garde à la fois son calme et son intransigeance (laissant avant de partir à Grenoble ses enfants au gouverneur de Montmélian avec ordre de ne les confier à personne d’autre qu’elle-même). Restée en Savoie, elle s’y fait connaître par les fêtes qu’elle y donne avec son ami (et amant) Philippe d’Aglié ainsi que par les constructions qu’elle décide à Chambéry pour la façade de la chapelle du château ainsi que pour l’église des jésuites (actuelle église Notre-Dame).

C’est à cette époque que l’on peut situer l’apogée de Philippe d’Aglié qui fut en même temps le conseiller de la duchesse et le grand organisateur de ses fêtes. Elle l’avait connu en 1639 et l’avait emmené avec elle en Savoie où il fut assez imprudent pour se faire emprisonner par Richelieu qui le transféra à Vincennes d’où il ne sortit qu’après la mort du cardinal. Il retourna alors à Turin et y retrouva une fonction ministérielle mais non le chemin du cœur de la duchesse qui avait suivi d’autres voies…

Néanmoins en 1642, elle traite avec ses beaux-frères, donnant à Maurice sa fille Ludovica  (1629-1692) ainsi que la lieutenance générale de Nice et à Thomas celle d’Ivrée et d’Aoste, ce qui calme (au moins en apparence) leurs intrigues et leurs oppositions et ce qui permet à Thomas de changer une nouvelle fois ses choix politiques et de se tourner dès lors vers la France, inspiré en cela par l’habile Mazarin qui a succédé à Richelieu mort entre temps…

Gravure encadrée dans un très beau cadre de style XVIIIe à motif de feuilles, pour la gravure du Theatrum Sabaudiae représentant Rumilly. Dimension 60,5 par 50,5 cm pour la gravure et 76 par 65,5 cm avec le cadre. Le texte dans le cartouche animé est en latin et fait partie des éditions latines de chez Blaeu à partir de 1682 (éditions latines, hollandaises et françaises de 1682 à 1726). Le dessin de cette gravure fut réalisé par Borgonio entre avril et juin 1672. Le dessinateur resta de 1672 à 1675 en Savoie ou il réalisa 83 planches sur les 135 pour le Theatrum Sabaudiae. La gravure est très fraiche en en très bon état (cadre lourd).

Enfin rassurée, Christine va pendant une vingtaine d’années, exercer la régence pour son fils qu’elle a l’art d’élever dans l’obéissance et la soumission même après lui avoir officiellement laissé le pouvoir. C’est alors qu’elle organise toute une opération d’opinion publique pour vanter ses origines et ses prétentions royales (n’est-elle pas fille de roi et sœur de reine puisque sa sœur Henriette est reine d’Angleterre, n’at-elle pas elle-même épousé un duc roi de Chypre et de Jérusalem ?) d’où sa protection de l’historien Guichenon chargé d’une «histoire de la Royale Maison de Savoie» et pour le cartographe dessinateur Borgonio auquel elle confie un immense et prestigieux tableau chronologique à la gloire de la famille régnante ainsi que la rédaction du célèbre «Theatrum Sabaudiae» destiné à vanter les Etats de Savoie …

 

En vieillissant Christine se tourne de plus en plus vers la religion, se vouant en particulier au succès de l’ordre carmélitain (c’est d’ailleurs chez les carmélites de Turin qu’elle sera inhumée), ce qui ne l’empêche pas de continuer à se passionner pour les fêtes et pour les constructions comme d’ailleurs tous les souverains de l’époque et cela même en dépit des difficultés de tous ordres qui accablent le pays (épidémies, mauvaises récoltes, arrêt du grand commerce). Elle s’enthousiasme pour le palais du Valentino qui sur la rive du Pô lui donne enfin l’air et la verdure qu’elle ne cesse de rechercher et qui lui rappelle par son plan et son allure les châteaux français de son enfance, mais l’histoire se rappelle aussi à Turin les églises de sainte Christine et de saint François de Paule et à Chambéry l’église Notre Dame (ex-église des jésuites) et la façade de la Sainte-Chapelle du château.

Elle qui avait été si hostile à Richelieu, recherche maintenant l’alliance française de Mazarin (un de ces Italiens auxquels elle s’est habituée maintenant) et de sa belle-sœur Anne d’Autriche, elle aussi régente (entre femmes….). C’est alors qu’elle essaie de relancer une politique matrimoniale familiale en mariant ses enfants loin de toute influence espagnole, d’où en 1650 le mariage bavarois de sa fille Adélaïde-Henriette (103) 1636-1676) et surtout l’importance de sa rencontre avec la famille de France à Lyon en 1658 pour négocier (au moins) un mariage français. Hélas tout échoue, Mazarin préférant les avantages d’un mariage espagnol (avec l’infante Marie-Thérèse) pour le jeune Louis XIV, force est de revenir à Turin pour marier Marguerite (102) à Ranucci Farnese de Parme, quant à Charles-Emmanuel auquel elle avait laissé théoriquement laissé le pouvoir (« nous prions notre Mère, de nous continuer l’assistance de ses conseils et de ses bons sentiments avec lesquels nous puissions conduire heureusement nos affaires et regir nos sujets… » d’où la réponse tout aussi officielle et hypocrite : » Nous avons condescendu avec une tendresse d’affection toute maternelle et avec notre zele accoustumé… ») .

Dans son nouveau rôle de duchesse–mère protectrice et inspiratrice de son fils elle le pousse dans les bras de sa nièce Françoise-Madeleine d’Orléans (104). A défaut d’intérêt politique, voilà au moins un mariage d’amour, qui semble réussir d’autant plus que la nouvelle duchesse est très liée à son envahissante belle-mère, mais les deux femmes meurent très vite et en même temps, libérant enfin le jeune prince d’un réseau féminin bien envahissant. Néanmoins, ce n’était qu’un répit puisque le pauvre duc allait retomber dans un nouveau « piége » en se remariant avec Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours (105).


  • FERREROM.V : Feste delle Madame Reali di Savoia / - Turin , 1965. - 122 p.
  • BRUGNELLI BIRAGHI G... » Chrestienne di Francia, duchessa di Savoia, prima madama reale » Turin. 1991. 239 p.
  • DATTA DE ALBERTIS G.: Cristina di Francia. Turin, 1943
  • PEYRON A. : Notizie per servire alla storia della reggenza di Cristina di Francia, duchessa di Savoia. Mémoires Académie de Turin. S.II, XXIV.
  • MIUGNIER FR. L’ambassade à Paris du cardinal Maurice de Savoie pour le mariage de son frère Victor-Amédée. 1618-1619. Chambery. 1894.
  • BAZZONI A ?; La reggenza di Maria Cristina , duchessa di Savoia. 1865.
  • RONCO S. : Madama Cristina di Borbone, duchess di Savoia .Turin 2005