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105 – MARIE-JEANNE-BAPTISTE DE SAVOIE-NEMOURS (1644-1724)

105 - MARIE-JEANNE-BAPTISTE DE SAVOIE-NEMOURS (1644-1724)

2° épouse en 1665 de Charles-Emmanuel II,

"plus mère qu’épouse"

Portrait de Marie Jeanne Baptiste de Savoie-Nemours - La dernière Nemours
Portrait de Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours - La dernière Nemours

Dernière descendante des comtes de Genève, des comtes du Faucigny et de Beaufort, duchesse d’Aumale de 1659 à 1686, duchesse de Savoie.

Fille de Charles-Amédée de Savoie (1624-1652) duc de Genève, de Nemours et d'Aumale, ( qui fut un membre actif du parti des princes et qui mourut en duel en 1652 contre son beau-frère le duc de Beaufort) et d'Élisabeth de Bourbon-Vendôme.

Palais Madame
Palais Madame oeuvre de l'architecte Juvarra pour la Duchesse-mère Marie Jeanne Baptiste (1712).

Elle était donc elle aussi une descendante de Henri IV par les Vendôme comme par son arrière grand-mère maternelle Gabrielle d’Estrée, ce qui justifie son titre célèbre de « (seconde ) Madame Royale ».

Elle était aussi la sœur de Marie-Françoise (112) (1646-1683) avec laquelle elle passe son enfance à la cour de France près d’Anne d’Autriche, (il fallait bien cette protection pour se sauver du scandale de la mort de son père) d’où l’importance accordée à leur mariage : ainsi en 1662, elle est fiancée à son cousin Charles V (1643-1690) duc titulaire de Lorraine, mais les fiançailles sont rompues en 1665 et enfin réussite suprême de la diplomatie française, les deux sœurs font presque en même temps à Lisbonne et à Turin de beaux mariages pleins d’avenir, plus d’ailleurs au niveau diplomatique que sur celui des réussites personnelles.

105 – MARIE-JEANNE-BAPTISTE DE SAVOIE-NEMOURS
MARIE-JEANNE-BAPTISTE DE SAVOIE-NEMOURS à l'âge de 22 ans avec son nouveau mari et cousin Charles Emmanuel II de Savoie en 1666 et son fils Victor Amédée II âgé seulement d'un an.

Le 10 mai 1665, Marie-Jeanne épouse en effet à Turin son cousin le duc Charles-Emmanuel II, « le prince galant » (1634-1675), veuf depuis an de la « Colombe d’amour , mariage fondamental qui ramène le Genevois et le Faucigny dans l’orbite de la maison de Savoie qui les avait perdus près d’un siècle et demi auparavant.

En 1666, elle a un fils Victor-Amédée II (1666-1731) bien jeune donc à la mort de son père. C’est à sa place qu’elle exerce le pouvoir en assurant la régence de 1675 à 1685 avec un conseil qui comprend entre autres Gabriel de Savoie, Joseph de Lescheraine, François-Thomas Chabod de Saint Maurice. Son gouvernement ( fort légitime au début tout au moins) ne fut pas marqué par de grandes réalisations : signalons néanmoins la création en 1677, de l’Académie royale militaire, puis du conseil des chevaliers ( pour régler les questions d’honneurs) et enfin du conseil des nobles ( sous l’influence des Jésuites) et bien sûr l’édit de 1675 sur le port des armes dans l’armée (sous l’influence évidente du souvenir de son père). D’un autre côté, elle fit tellement de fêtes qu’elle entra en conflit avec la municipalité de Turin très réticente pour payer les factures, même si elle pouvait se réjouir de la réfection de la Porte du Pô par le célèbre architecte Guarino Guarini.

« Ecco della Sauoia, à cui s'inchina

humile il Pò, benché urguglioso e fiero,

la magnanima donna, à cui destina

Grande galerie du Palais de la Venaria oeuvre de Juvarra.
Grande galerie du Palais de la Venaria oeuvre de Juvarra.

il Ciel regger del Figlio il Patrio Impero. »

(Giovanni Andrea Pauletti, Historia di Torino, 1676)

Marie-Jeanne est le symbole de l’influence française en Piémont. Née et élevée à Paris, elle ne peut ni ne veut oublier ses origines d’autant que sa vive amitié pour la brillante femme de lettres, madame de Lafayette lui permet de rester en relation avec ce milieu parisien qu’elle ne cesse de regretter.

 

Le problème fut son amour du pouvoir auquel elle ne voulut pas renoncer d’où un dossier qui occupa les chancelleries européennes autant par ses causes que par ses conséquences, car voilà notre duchesse-mère bien décidée à marier son fils à sa nièce Isabelle, fille et héritière de sa sœur reine du Portugal (112), ce qui eut permis de donner ce royaume à Victor et donc de garder de ce fait le Piémont pour elle-même. Encore fallait-il l’accord de l’intéressé qui refusa et alla faire ses propositions à Louis XIV pour un mariage français avec une princesse de son choix dans une alliance strictement française… d’où son mariage en 1685 avec Anne d’Orléans (135) nièce de Louis XIV. Le temps de la régence (qu’elle fut de fait ou de droit) était terminé, désormais Victor-Amédée était le seul vrai maître, il fallait s’en accommoder ou alors accepter d’incertaines aventures. Marie-Jeanne-Baptiste avait un tempérament froid et autoritaire, même machiavélique ( on n’hésita pas à l’accuser d’avoir tenté de pousser son fils à la frivolité et à la débauche pour mieux l’affaiblir), elle eut néanmoins le courage et le talent de se reconvertir à sa nouvelle situation et de se résigner à la retraite, devenant une plaisante belle-mère fort liée à sa nouvelle belle-fille puis plus tard une grand-mère chérie de ses petits enfants, on avait commencé dans les alcôves mais tout se terminait dans une félicité de bon aloi. Il n’en demeure pas moins qu’elle fut pour longtemps la dernière souveraine de Savoie avec des ambitions politiques puisqu’il faudra attendre deux siècles après avec la reine Marguerite (159) pour trouver au palais royal de Turin une nouvelle égérie politique …

Grande galerie du Palais de la Venaria oeuvre de Juvarra.
Grande galerie du Palais de la Venaria oeuvre de Juvarra pour la Duchesse mère Marie Jeanne Baptiste.

Certes même retirée, Marie-Jeanne- Baptiste fut couverte d’honneurs par son fils non rancunier ( pour une fois !) et elle ne put qu’apprécier le réaménagement de son palais (dit justement « Palais Madame », en face du palais ducal) par le grand architecte Juvarra que Victor-Amédée ramena de Sicile en 1712, il n’empêche qu’elle ne cessa de pleurer misère, ce qui explique sans doute la vente, en 1686, de son duché d’Aumale à Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan.


BRUGNELLI BIRAGHI G. , DENOYE POLLONE M.B. : Maria Giovanna Battista di Savoia Nemours, la seconda madame reale. Turin, 1996, 227 p.

MARTINELLI A. et SANNA C. ;: Maria Giovanna di Savoia Nemours, Vita, ambizioni e intrighi di una reggente del Seicento. Turin, 2003. 194 p.

110, 112