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93 – MARGUERITE D’AUTRICHE (1480-1530)

93 - MARGUERITE D’AUTRICHE (1480-1530)
duchesse de Savoie, régente des Pays- Bas

«une grande dame, plus flamande que savoyarde».

93-Eglise_Brou_marguerite_d'autricheFille de Maximilien d’Autriche, empereur des Romains (1459-1519) et de Marie de Bourgogne, (1457-1482) elle est donc petite-fille de Charles le Téméraire.

En 1482, Louis XI profite du décès de la fille de Charles Le Téméraire pour envahir l’Artois avant de songer à un mariage entre la petite princesse (qui n’a que trois ans) avec son fils le dauphin Charles (futur Charles VIII), d’où une union symbolique qui amène Marguerite à la cour de France (pour y apprendre son futur métier de reine sous la direction de sa belle-sœur Anne de Beaujeu qui assure la régence pour Charles devenu roi entre temps). Cependant la situation se complique car Maximilien pensait se remarier avec la jeune Anne de Bretagne fille du duc François qui venait de mourir ce que le trône de France ne pouvait accepter, d’où la rupture entre le Habsbourg et le roi Charles qui épouse finalement Anne de Bretagne provoquant le retour de Marguerite à Namur.

Maximilien va profiter de l’offensive française contre Naples pour se rapprocher de l’Espagne d’où le (re)mariage de Marguerite avec Juan d’Aragon (1478-1498) en 1497 et l’union inverse de Philippe d’Autriche avec Jeanne d’Aragon. Hélas une nouvelle fois tout échoue puisque Juan meurt six mois après son mariage et oblige ainsi Marguerite à revenir en Flandre (après avoir perdu une petite fille nouvelle née mais pour compenser cette nouvelle catastrophe en devenant la marraine de son neveu, le futur Charles Quint. On peut croire alors la vie officielle de Marguerite finie : » ci-git Margot la gente demoiselle, qui eut deux maris et si meure pucelle… » écrit-elle alors dans une épitaphe de fantaisie.

Il en fallait plus pour décourager Maximilien qui va tenter un nouvel accord d’unanimité en poussant son fils Philibert le Beau à s’unir à la fille de Louis XII et en mariant en 1501 Marguerite avec Philibert de Savoie qu’elle avait connu autrefois à la cour de France. Les deux jeunes gens mariés à Romainmotiers ont le même âge et s’aiment follement couverts par une dispense pontificale ( puisque la mère de Philibert est la sœur de la grand mère de Marguerite). Hélas une nouvelle fois la belle construction diplomatique et matrimoniale s’effondre du fait de la mort accidentelle de Philibert en 1504. Marguerite veuve pour la seconde fois n’a plus qu’à revenir de nouveau en Flandre après avoir échoué à garder une quelconque pouvoir en Savoie (n’a-t’elle pas poussé déjà Philibert à rompre avec son demi-frère (adultérin) René (le bâtard de Savoie) et n’a t’elle pas cherché à s’imposer aussi à son beau-frère, le nouveau duc Charles II?

Restée veuve, éperdue de chagrin, elle décide alors de ne pas se remarier et elle construit de 1506 à 1532 l’église de Brou pour abriter le corps de son époux mais aussi pour satisfaire le vœu non exécuté de sa belle-mère (Marguerite de Bourbon avait promis d’édifier une église pour sauver son mari, Philippe «sans Terre» blessé lors d’un accident de cheval, l’église promise n’avait pas été construite et Marguerite y voyait une punition divine cause de l’accident de son propre mari). Le chantier de Brou est d’autant plus prestigieux que la jeune veuve ne s’y rendra jamais et qu’elle fit tout exécuter depuis la Flandre.

En 1507, en effet Maximilien l’avait nommée gouvernante régente des Pays Bas et de la Franche-Comté, fonction d’autant plus importante que le pays était alors un des plus riches d’Europe et qu’elle avait aussi en charge les enfants de l’empereur dont le jeune neveu (et filleul) Charles bientôt orphelin de son père et dont la mère Jeanne de Castille dite «la folle» était bien incapable de s’occuper).

Cette tutelle fut bientôt fort importante car Charles allait bientôt arriver autant à la tête des Etats de la famille Habsbourg qu’à celle du Saint Empire où il accéda au détriment de son «cousin» François 1er furieux d’avoir été ainsi évincé. En tous les cas, Marguerite put se vanter d’être la tête pensante (et toujours reconnue) de ce Charles-Quint (et de ses sœurs) considéré alors comme le prince le plus puissant du monde.

Grande experte de la diplomatie par les mariages, elle s’arrangea pour lier le Portugal à la cause de Charles-Quint, tout commença en 1518 avec Eléonore sœur aînée de Charles amenée à s’unir avec le roi Emmanuel de Bragance, le tout suivi en 1525 du mariage cette fois de Charles lui-même avec l’infante Catherine. On s’extasia sur la sœur du premier épousant le frère de la seconde (le nouveau roi Jean III de Portugal) et enfin sur l’union de la sœur de ce dernier Béatrice (95) avec le duc de Savoie, Charles III, beau-frère de Marguerite, qui passait ainsi subtilement de l’alliance française à celle des Habsbourg.

Quoique fondamentalement hostile l’une à l’autre, en 1525, Marguerite et son ex-belle-sœur Louise de Savoie avaient négocié indirectement l’accord de Madrid, qui avait réglé la libération du roi François retenu prisonnier depuis la défaite de Pavie. Cependant fort intelligemment, elles décidèrent d’aller plus loin quitte à s’engager directement dans le but manifeste d’un rapprochement entre les Valois et les Habsbourg. Marguerite signa donc en 1529 dans la ville impériale neutre de Cambrai avec Louise un   traité dit de la « paix des dames ») qui met fin à quinze ans de guerre (en amenant la France à renoncer définitivement aux Pays Bas) et que le jeune et fougueux souverain Valois compromettra en 1536 en reprenant un conflit qui allait encore durer une vingtaine d’années. Cependant en 1530 la paix fut d’autant plus joyeuse que par une belle manœuvre, Marguerite faisait épouser sa nièce Eléonore (veuve depuis 1521 du roi Emmanuel) au roi de France lui aussi veuf depuis peu.

Cependant Marguerite sera épargnée du spectacle des mauvaises relations entre le roi François et sa nouvelle épouse comme de la reprise de la guerre, elle est morte en effet en 1530 donnant l’impression d’avoir tout échoué (et d’abord de mourir bien jeune encore) alors qu’en fait elle n’avait cessé de révéler ses qualités de culture, d’intelligence et d’organisation. Sa nièce, Marie, soeur de Charles Quint et reine douairière de Hongrie allait lui succéder comme régente …

On eut juste le temps de ramener son corps à Brou avant la reprise du conflit et l’invasion des Etats de Savoie par les troupes françaises. Cependant du fait de l’annexion définitive de La Bresse à la France en 1602, le sanctuaire de Brou coupé alors de la Savoie perdait son sens historique. Décidément, vivante ou morte Marguerite n’avait pas eu de chance…

Liée à la Flandre, à la Savoie, à l’Autriche et à l’Espagne, elle n’a guère aimé la France (aucun de ses souvenirs familiaux et personnels ne l’y incitait d’ailleurs), mais néanmoins on ne vit jamais adhérer cette grande dame passionnée d’art et de musique à la perspective d’un conflit armé entre ses deux neveux (belle-sœur de Louise de Savoie, elle se retrouvait tante de François 1er parallèlement à son rôle équivalent auprès de Charles ,ce qui explique son ambiguité occasionnelle (L’historien Saint-Genis l’a décrite au XIX° siècle « distinguée et étrange »).


BRUCHET B.:Marguerite d’Autriche. Lille.1927.

GUERIN P. Marguerite d’Autriche-Bourgogne, archiduchesse de Brou. Lyon, 1992 .103 p.

POINET M.F. : Le monastère de Brou, le chef d’œuvre d’une fille d’empereur. Paris, 1994, 126 p

RUSSELL J. Diplomats at works. Three renaissance studies Stroud ( G.B) 1992 ( 3° essai, « des femmes diplomates, la paix des dames)

BOUCHET M. Marguerite d’Autriche, duchesse de Savoie. Lille 1927.

DE BOOM G. : Marguerite d’Autriche et la Renaissance. Paris-Bruxelles. 1935

LE GLAY : A.J.G. : Correspondance de l’empereur Maximilien et de Marguerite d’Autriche sa fille, gouvernante des Pays Bas, 1507-1519. Partis, 1839.

DE JONGH J. : Margaret od Austria, regent of the Neteherlands. Londres 1954.