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92 – LOUISE DE SAVOIE (1476-1531)

92 - LOUISE DE SAVOIE (1476-1531), duchesse d’Angoulème

« mère couveuse , crypto reine-mère »

Fille de Philippe II « sans Terre » et de Marguerite de Bourbon (89).

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Statut de Louise de Savoie au jardin du Luxembourg.

Nièce de Yolande de France (81).

Orpheline de sa mère à 7 ans, négligée par un père Philippe sans Terre qui avait bien d’autres soucis, Louise est éloignée de Savoie (qu’elle ne reverra jamais) en se voyant confiée à son oncle et à sa tante : Pierre et Anne de Bourbon-Beaujeu. En 1488, ces derniers la marient à 12 ans avec Charles d’Angoulême (1459-1496) un lointain cousin, alors gouverneur de Guyenne, qu’elle ne connaît pas, qui a 17 ans de plus qu’elle et qui ne va cesser de la tromper ouvertement avant de la laisser veuve à 20 ans. Une catastrophe n’arrivant jamais seule, Louise perd au même moment son époux et son père (devenu enfin duc de Savoie mais disparaissant après une seule année de règne).

Louise de Savoie
Plus française que savoyarde, plus régente que mère. Musée de Louvre.

Louise va alors consacrer sa vie à la promotion et à la défense de ses deux enfants qu’elle «couve» et qu’elle pousse, Marguerite d’Angoulême, future reine de Navarre (1492-1549) et François (son «César»,1494-1547). Elle refuse tout remariage et s’impose au roi Louis XII (né en 1462 et roi en 1493) comme seule tutrice de ses enfants et elle se heurte à la reine Anne de Bretagne (née en 1477, qui avait déjà épousé le roi Charles VIII) surtout à propos du mariage éventuel de François avec Claude la fille du couple royal ( par ambition, dynastique Anne voulait marier Claude avec Charles de Habsbourg alors que le roi Louis seulement intéressé par la sûreté de sa succession, voulait marier sa fille avec François, son héritier légitime, ce qui comblait Louise bien entendu). Louise semble avoir gagné en 1514-15 quand suite à la mort de la reine Anne, Claude épouse enfin François d’Angoulême devenu bientôt (ou enfin) roi sous le titre depuis célèbre de François 1er.

Louis XII, qui avait été élevé par Louis XI, s’était vu obligé en 1476 d’épouser la très laide mais très pieuse Jeanne, fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie (76), mariage annulé en 1499, Jeanne qui était la cousine germaine de Louise de Savoie, se retire à Bourges pour fonder l’ordre de l’Annonciade et y mourir en 1505. Louis XII épouse tout de suite Anne de Bretagne dont il eut rapidement Claude de France)

Le jeune François adore sa mère et lui fait entièrement confiance pour mieux se livrer aux plaisirs de l’amour, de la chasse et même de la guerre. Il l’a fait entrer au conseil du royaume avec ses partenaires et collaborateurs qui vont dorénavant diriger le Pays pendant une quinzaine d’années et d’autant plus facilement que le roi quitte bientôt la France pour une nouvelle et prestigieuse campagne d’Italie (la victoire de Marignan permet la conquête de Milan et de la Lombardie).

Forte de son pouvoir et de son prestige , Louise va vainement essayer en 1517, de mettre François sur le trône du Saint-Empire qui échoit finalement à Charles de Habsbourg. Réduite à la seule France, elle ne va cesser alors d’accaparer les titres (son fils l’a faite duchesse d’Anjou puis de Nemours, comtesse du Maine puis de Touraine), les richesses et les domaines (ainsi celui de Romorantin dont elle fait sa résidence favorite et que François I° confia au génie de Léonard de Vinci qui hélas mourut trop tôt). Dans les années 20, deux affaires qui firent grand bruit à l’époque, témoignent de cette ambition. Il y eut d’abord le procès de Jacques de Semblancay, grand financier, maître de fait des finances du royaume accusé d’avoir détourné le financement de l’armée d’Italie et ainsi contribué à la perte du Milanais ( mais qui avait pu aussi «travailler» pour sa «patronne» Louise). L’émotion était à peine calmée que l’on apprit la rupture entre cette dernière et son cousin le connétable Charles de Bourbon à propos de l’héritage des Bourbon-Beaujeu (Charles était comme Louise un neveu du couple mais aussi leur gendre). Louise s’impose encore provoquant la colère du connétable et bientôt sa trahison (il quitte la France et va mourir en 1527 au siège de Rome). En tous les cas, ces deux affaires se terminent par la confiscation des biens des deux «coupables» pour le seul profit de la reine mère.

En 1525, la défaite de Pavie et l’emprisonnement de François à Madrid laissent Louise maîtresse de fait du royaume, charge dont elle va se charger avec compétence et succès. C’est à ce moment que pour sortir le royaume de son isolement, elle amène Henri VIII d’Angleterre à se déclarer enfin comme allié de la France mais c’est aussi elle qui va négocier une entente avec le Grand Turc. Cependant n’ayant jamais été favorable aux guerres, c’est à ce moment décisif qu’elle négocie enfin avec son ex-belle-sœur Marguerite d’Autriche (93) (1480-1530) qui, veuve du duc Philibert le Beau, est devenue régente des Pays-Bas pour son neveu Charles Quint, d’où une première paix dite « des dames » signée à Madrid en 1526 et renforcée par un nouveau et solennel traité signé entre les deux femmes à Cambrai en 1529 (rapprochement concrétisé par le remariage de François devenu veuf avec Eléonore, la sœur de Charles-Quint dont Marguerite avait la charge).

Epuisée, fatiguée (d’autant qu’elle défend aussi sa fille Marguerite, future reine de Navarre) elle meurt en 1531 laissant François gouverner dorénavant par lui-même, ce dont il va profiter en reprenant la guerre qui va durer encore trente ans et lui permettre d’ailleurs de conquérir la Savoie et le Piémont dont il conteste la propriété à son (demi) oncle, le duc Charles III (d’autant que ce dernier avait choisi l’alliance Habsbourg en épousant la belle sœur de l’empereur Charles Quint).

Louise a pleinement joué la carte française, s’opposant ouvertement en effet à son demi-frère Charles III en lui contestant ses droits dynastiques et en lui enlevant toute influence sur ses deux frères : Philippe de Savoie-Nemours (1490-1533) (auquel elle fit donner le duché de Nemours créant ainsi la maison toute francophile des Savoie-Nemours qui allait durer un siècle et demi) et René comte de Villard-en-Bresse (1488-1525), (dont elle lia la fille (114) à Anne de Montmorency, le grand ami de François1er).

La personnalité et le rôle de Louise ne sont cependant pas exceptionnels, elle appartient à cette série de femmes de l'époque, passionnées d’art, de littérature mais aussi de pouvoir, qui, depuis Yolande (81) l’énergique sœur de Louis XI, qui se trouvait être donc la tante de Louise) en passant par Marguerite d’Autriche (93), Marie de Hongrie, Anne de Bretagne, Anne de Beaujeu ont marqué la fin du XV° et tout le XVI° siècle jusqu’à la grande Elisabeth d’Angleterre. En soi, elle échoua puisqu’elle n’a pu faire passer tout l’héritage bourguignon dans la puissance française, ni de ce fait régler l’antagonisme entre les Capétiens et les Habsbourg ( elle ne cessa de déplorer la guerre entre son fils et Charles Quint) néanmoins au delà de la psychologie et de la morale individuelle, par son intelligence politique et son sens des besoins et des possibilités du royaume, elle a été en son genre un grand serviteur de l’Etat français.


ARICI Z. : La cultura di Luisa di Savoia . Turin 1921 ((Bollettino storico bibliografico subalpino, anno 23, n.1-2 (1921).

ARICI. Z : Luisa di Savoia reggente di Francia (1476-1531) / Turin 1930. - 278p.

DE MAUL DE LA CHAVIERE :Louise de Savoie et Francois 1. : trente ans de jeunesse, 1485-1515 / - Paris : 1895. - 392 p.

HENRY-BORDEAUX P. : Louise de Savoie : régente et roi de France / Paris :, 1954. - 428 p.

JACQUETON G. : La politique extérieure de Louise de Savoie : relations diplomatiques de la France et de l'Angleterre pendant la captivite de Francois 1. (1525-1526) / - Paris 1892. , 467 p

LEFRANC A. et BOULANGER J. : Comptes de Louise de Savoie (1515, 1522) et de Marguerite d'Angoulème (1512, 1517, 1524, 1529, 1539) Paris : 1905. 122 p.

LUZATTI I. et SAN CASCIANO R: Luisa di Savoia : 1476-1531 / Bologne, 1951. - 404 p

MOULTON –MAYER D. (trad Vassakllz Madrisa) ; Luisa di Savoia ; Milan , 1968]. - 372 p.,

FERRAND FR. : La régente-mère ( Louise de Savoie). Flammarion. 2007.